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Histoire littéraire Dietrich sauvé des eaux

février 1996 | Le Matricule des Anges n°15 | par Éric Dussert

Clochard ou julot, Luc Dietrich s’est cherché parmi les hommes. Ses deux récits autobiographiques retracen sa descente aux enfers. Réédition.

L' Apprentissage de la ville

J’ai été rejeté de bord en bord comme une planche. Je suis descendu des zones populeuses aux zones mortes des barrières, des zones des usines à celles des ordures. »
Luc Dietrich fut un homme des marges que la vie a ballotté. Le Bonheur des tristes et l’Apprentissage de la ville sont les deux récits autobiographiques qui retracent son itinéraire. Témoignages douloureux, ils sont riches comme des mémoires, beaux comme des poèmes en prose. La critique ne s’y est pas trompée qui célébrait en 1935 et 1942 ces livres de l’intranquillité. Somme sincère des errements d’un homme mélancolique et subtil, Le Bonheur des tristes et l’Apprentissage de la ville ont marqué plusieurs générations de lecteurs et sont devenus une somme classique qui résonne comme un long aveu des aveuglements, des turpitudes et des élans brisés.
Luc Dietrich avait toutes les malchances de son côté. Né en 1913, il a connu les dangers déchirants du jeune âge et sa solitude. Orphelin de père à six ans, séparé de sa mère droguée, il est recueilli par un oncle et une tante qui le placent à neuf ans dans un asile pour enfants anormaux. Il y découvre une vie baroque et fruste qui le pousse à des rêveries poétiques qui l’habiteront. Sa mère le rejoint et la douce cohabitation reprend où elle avait cessé. Lui, plein d’amour pour cet être fragile, est pacifié par la culture des fleurs et les travaux des champs ; elle, vite éreintée par les drogues qui la brisent en 1931. Le Bonheur des tristes se referme sur les années innocentes.
L’Apprentissage de la ville débute en 1932, Dietrich est recueilli par Arlette, une caïd du milieu qui l’entretient de ses trafics. Passeur de drogue, complice d’un meurtre, aucune bassesse, aucune veulerie ne lui seront épargnées. D’abord candide, le regard qu’il pose sur le monde devient scrutateur et décèle la crasse des cœurs et la férocité des regards : « La foule des hommes frétillait comme des ablettes sur des étals gras ». Le trouble de l’âme se transmet à la plume qui produit des fragments acides, plein de doutes et de remords. Hanté par ses fautes, Luc Dietrich dérive, se clochardise, prend des petits emplois qu’il perd aussitôt et s’éprend de Lucrèce dont l’amour est une rédemption… qui ne saurait durer.
« Travailler, travailler, travailler, connaître, connaître. » C’est une mystique de la connaissance qui a sauvé Dietrich. Soutenu par l’amitié du penseur non-violent Lanza Del Vasto, il découvre son talent et publie des poèmes (Huttes à la lisière, cf. MdA N°13). À deux, ils travaillent aux chapitres des deux récits, explorent ses rêves et communient dans une recherche spirituelle commune qui produira Dialogue de l’amitié (1947). Luc Dietrich fera d’autres rencontres avec René Daumal et le gourou russe Gurdjeff avant de mourir en 1944 lors d’un bombardement.
« Lentement j’arriverai à tout savoir du corps où je vis. » Au travers de la corruption, sa vie aura été une longue quête de vérité intérieure, une périlleuse voie d’accès à la sagesse. « Je voulais que mes livres bourgeonnent après ma mort, que des amités me poussent un peu partout, et qu’ils me tendent la main au travers de la page. » (1) Ses aveux sincères et sa poésie lui ont valu plus que de l’estime. Il occupe au panthéon des Lettres une niche sobre et isolée où sont placés les rares « livres que l’on peut poser sur l’herbe et qui résistent à la comparaison avec les brins tout droits, le filigrane des graminées, le silence que traverse un murmure de feuilles. »

(1) Inédit publié dans la revue Chef-Lieu (N°1, 1992)

Le Bonheur des tristes
L’Apprentissage de la ville
Luc Dietrich

Édition établie
par Frédéric Richaud
Le Temps qu’il fait /
Édition Eolienne
215 et 365 pages, 120 et 165 FF

Dietrich sauvé des eaux Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°15 , février 1996.
LMDA PDF n°15
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