Plaisanterie, satire, ironie et signification plus profonde
L’univers de Plaisanterie, satire, ironie et signification plus profonde est complètement loufoque. Au début de la pièce, un instituteur ivrogne reçoit un petit paysan. Ses parents veulent en faire un savant parce qu’« il a les vers ». Une première leçon vise donc à instruire le gamin de l’art de laisser paraître quelques géniales dispositions. Il lui faut, en compagnie d’une belle demoiselle, mettre un chat crevé sous son nez comme pour éternuer puis s’écrier : saperlipopette, je croyais que c’était une constellation ! Le diable lui, se fait passer pour « un collectionneur passionné de hannetons adultérins ». Il est complètement lamentable comme la plupart des personnages sauf dans le domaine littéraire où il se révèle un critique hors pair. L’enfer est en effet peuplé d’écrivains car « de nos jours la littérature allemande est la plus lamentable de toutes les choses lamentables ». Les critiques et les écrivains sont les cibles préférées de Grabbe. Il ne s’épargne pas lui-même en devenant un personnage de sa pièce et se faisant insulter : « C’est le maudit Grabbe ! Il est bête comme un sabot de vache, bave sur tous les écrivains et n’est lui-même bon à rien. »
La pièce est souvent très drôle, même si la plupart des références sur les œuvres littéraires de l’époque nous échappent. Certaines diatribes de Grabbe envers « les polissons juifs » pourraient le faire passer pour un antisémite, mais c’est, de toute façon, après l’univers entier qu’il en a. Grabbe a la faculté de se brouiller avec tous. Son époque l’a rejeté à cause de son besoin de choquer et de ses mœurs très dissolues -à dix-huit ans, il se voit refuser son diplôme en raison de son alcoolisme. C’est peut-être pourquoi, cette pièce écrite en 1822 et dont une première traduction française sous le titre Les Silènes avait été attribuée à Alfred Jarry (une paternité par la suite contestée) reste inconnue du public. Et ce, malgré des avis prestigieux comme celui d’André Breton pour qui elle « est une œuvre dont la géniale bouffonnerie n’a jamais été surpassée ».
Plaisanterie, satire, ironie et
signification plus profonde
Christian Dietrich Grabbe
Traduit de l’allemand
par Henri-Alexis Baatsch
Éd. Ludd
(4bis, rue de Palestine 75019 Paris)
126 pages, 80 FF