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Poésie Le Ka2 Khlebnikov

mars 1997 | Le Matricule des Anges n°19 | par Emmanuel Laugier

Né en 1885, le Russe Vélimir Khlebnikov élabora dans le XXe siècle naissant une langue intensive, éclatante, transmentale, la langue Zaoum.

Zanguezi & autres poèmes

Des nombres et des lettres (L’Âge d’homme, 1986) s’ouvre par KA2, texte autobiographique que Khlebnikov commença à écrire en 1916. Cette prose de KA2 marque toute la force du poète et mathématicien russe, linguiste, passionné des liens entre les mots et les nombres, la langue et son inconscient structural. De papillons, voilà, par exemple sa vision : « ces papillons descendaient un grand champ de neige en se laissant glisser sur de confortable traîneaux et un jet de neige s’élevait derrière eux avec autant de violence que s’il était sorti d’une lampe à souder ». Cette lampe à souder, ce jet d’escarbilles rouges, ponctuant le manteau de neige de profondes et fines trouées, c’est la langue de Khlebnikov, celle dont témoigne ce nouveau volume, Zanguezi & autres poèmes. Des six voiles des Enfants de la Loutre (1911-1913) qui ouvrent cette publication aux 21 plans de Zanguezi, en passant par un important choix de Poèmes courts et narratifs écrits entre 1908 et 1922 (date de sa mort), on entre dans une langue toute en rumination, qui fuse, s’assimile à un véritable crachoir de sperme, se dissémine, se lance en pure perte, à la gueule du pouvoir, de la terre natale, du marchand, de l’ordre social, de la police, du froid russe, de la rousseur de ses steppes. Toutefois, la force perforatrice de Khlebnikov, précise Christian Prigent, son « ambition encyclopédique, orchestration « autre » de la langue russe relèvent d’un projet qui a plus à voir avec la connaissance qu’avec l’illumination délirante ou la rêverie marginale » (La Langue et ses monstres, Cadex, 1989). Si le poète fait entendre le « jeu des voix hors des mots » tout le long de Zanguezi et des Enfants de la Loutre, s’il veut « inclure les singes dans la famille humaine » (Le Pieu du futur, L’Âge d’Homme, 1970), c’est pour faire entrer dans la langue les bruissements les plus inaudibles du monde.Jusqu’à faire la place à l’étranger qui la mine, y couve toujours, des voix inter-ethniques venues du fin fond des plaines de Sibérie à celles issues de l’Inde, de sorcières, du soleil d’Égypte, de la Grèce, des mythologies africaines. Cette voix, tout à la fois agissante dans de longues plongées épiques et narratives, se troue d’un babil barbare fait de néologismes, d’une battue et d’une traque de la bonne langue maternelle. Cette voix est élevée même au nom de langue Zaoum, littéralement « se trouvant au-delà des limites de la raison ». Car, dans son perfectionnisme de mathématicien névrotique, et en plus de ce qu’ouvre une telle fouille du langage, Khlebnikov entendait sous les sons des mots un ordre cosmique, la « partition irrécusable » d’une structure dont les phonèmes étaient pour lui ses premiers signes. Les théories de l’écrivain russe, sa volonté de totaliser ses recherches, ne remplacent pas la ferveur avec laquelle il a été l’ « horrible travailleur » d’une langue nouvelle, porteuse d’un futur que seule la littérature lance à la face des barbaries : « La patrie de la création, c ’est le futur. C’est de là que soufflent les vents des dieux du verbe ». Il en souffrit, pourrissant de l’intérieur et mourant à 37 ans, laissant d’entre toutes les voix de Zanguezi celle-ci : « le pays où dans les mots chuinte le son ch : chah, chaï, chiré,/ Et où l’on a donné à la lune silencieuse/le nom le plus sonore/Aï,/ ce pays est celui où je suis à présent ! ».

Zanguezi & autres poèmes
Vélimir Khlebnikov

Traduit du russe
par Jean-Claude Lanne
Flammarion
366 pages, 149 FF

Le Ka2 Khlebnikov Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°19 , mars 1997.
LMDA PDF n°19
4,00