Il se prépare un grand silence/ Une transhumance des mots/ vers on ne sait quel territoire/ de déshérence/ (…) Mais il demeure/ sur l’horizon/ une fêlure/ une simple fêlure/ d’où pourrait naître/ un signe. »
C’est dans cette fêlure que s’engouffrent les mots de Jean-Pierre Spilmont. Un chant comme une attente, comme une révolte, un espoir. Comme une clarté justement. Clarté au sens d’acceptation. Mais une acceptation qui n’a rien d’une résignation. Plutôt une souffrance béante « avant, juste avant la transmutation soudaine du sommeil en brasier ». Le feu de la vie. Encore et encore. Le livre puise son ampleur au plus juste des mots. Ces mots comme des « traces de glace vive accrochées aux parois des aiguilles dressées dans un ciel presque mauve ». Une transparence qui prend sens quand on referme le recueil sur cette dernière phrase : « Ici, demain, ou juste après, il faudra changer de lumière ». Jean-Pierre Spilmont nous renvoie à nos efforts désespérés pour oublier notre propre mort à travers « ces pauvres mots usés, fatigués, déchirés par l’impossible innocence du monde ». Une clarté de passage est un livre de total consentement à prendre, à recevoir. Un livre d’amour en somme. Avec juste ce qu’il faut de retenue pour libérer le regard entre les signes. On y découvre les illustrations de Roland Dutel : des stèles sur lesquelles on retrouve à chaque fois la terre, le ciel et l’homme dans un constant combat. Dans Vers un matin sans cicatrice (Paroles d’Aube, 1994), Spilmont écrivait : « Oui, c’est peut-être ça l’écriture : l’archéologie d’un possible qui rende moins irrépressible l’angoisse, en lui laissant sa part féconde ». Incontestablement Une clarté de passage a à voir avec cette écriture-là.
Une clarté de passage
Jean-Pierre Spilmont
Cadex éditions
56 pages, 65 FF
Poésie En connaissance de cause
mars 1997 | Le Matricule des Anges n°19
| par
Corinne Robert
Un livre
En connaissance de cause
Par
Corinne Robert
Le Matricule des Anges n°19
, mars 1997.