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Domaine étranger Leçons au soir d’une vie

juillet 1997 | Le Matricule des Anges n°20 | par Maïa Bouteillet

Deux parutions du grand écrivain portugais mort en 1995, Miguel Torga, viennent réaffirmer un poète des humbles, résolument libre et profondément désespéré.

Soixante-dix années de souffrance en mille pages de discipline » note Miguel Torga dans En chair vive, à douze ans de la fin du journal qu’il aura tenu 60 années durant. Ce deuxième volume qui fait suite à En franchise intérieure (de 1933 à 1977, paru chez Aubier Montaigne en 1982) et qui s’achève un an avant la mort de l’auteur, en janvier 1995, se déroule comme un immense adieu à la vie. Solitaire et déçu par la plupart de ses contemporains -les gens de pouvoir notamment- de plus en plus reclus par la vieillesse et la maladie, Miguel Torga tire sans complaisance les leçons d’une vie et de son époque. Rythmées par des dates souvent symboliques - son anniversaire, le 12 août, offre année après année l’occasion d’un bilan toujours plus sombre - ces pages sont empreintes d’une nostalgie aux accents plus douloureux que le populaire fado.
Jalonné par les disparitions de grands - Chaplin, Hergé, Beckett, Sartre, Yourcenar - auxquels le poète tire son chapeau, ce volume ausculte la réalité sociale, historique et politique du Portugal et du reste du monde. « La tyrannie silencieuse d’autrefois prenant sa revanche dans la bruyante démagogie d’aujourd’hui » écrit Torga à propos d’une campagne électorale en septembre 1980, dénonçant « l’hémorragie de mots, qu’aucun ennui ne peut esquiver et auxquels au fond personne ne croit, tant est flagrant leur manque d’authenticité ». L’homme qui fit en son temps l’expérience des geôles de Salazar observe d’un oeil vigilant les régimes et les idéologies se succéder et l’Europe s’édifier avec peine, se sentant « condamné à un civisme critique ».Incurablement angoissé, il ne trouve pas davantage refuge dans l’écriture, « oui, j’ai écrit douloureusement bien des livres. Mais pour quoi ? Ce sont des pages écorchées vives qui m’ont l’air de linceuls de lettres mortes ». Et plus loin : « quant à me tirer de l’enfer où me laisse chaque oeuvre éditée, la mort seule ».Fils de paysans pauvres, né en 1907 dans la province montagneuse et aride de Tras-Os-Montes, au nord est du Portugal, Miguel Torga fut avant tout un écrivain de la terre dont les poèmes célébraient ses frères de sillon. Et si son amour du Portugal revient inlassablement dans les pages de ce journal, c’est avant tout à la beauté des paysages qu’il se refère et non à la patrie.Rua, le recueil de nouvelles qui paraît simultanément chez le même éditeur, est l’un des rares exemples d’écrits sur la ville dans l’oeuvre de Torga. Ici, comme lorsqu’il prête voix au monde rural, l’auteur s’attache à de petites gens pour nous donner à voir et à entendre la mosaïque bariolée et bruyante d’une rue populaire de Lisbonne. Une jeune amoureuse, un policier en retraite, un vendeur de foire, une prostituée reconvertie en marchande des quatre saisons, tous saisis sur le vif, dans l’humble quotidien. Pareils à ceux des campagnes pour lesquelsTorga l’humaniste n’a jamais voulu abandonner sa profession de médecin. « Se confiant au jugement de la postérité », Torga achève solennellement son journal. « A quelque chose devraient alors servir mes cicatrices, d’inlassable défenseur de l’amour, de la vérité et de la liberté, triade bénie justifiant le passage en ce monde de n’importe quel être humain ».


Maïa Bouteillet

Miguel Torga
En chair vive
et Rua
Traduits par Claire Cayron
José Corti, collection Ibériques, 187 et 400 pages, 120 et 150 FF

Leçons au soir d’une vie Par Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°20 , juillet 1997.
LMDA PDF n°20
4,00