Les squelettes, d’un naturel assez discret, évitent de se donner en spectacle, même dans les affaires criminelles où ils apparaissent fortuitement ; généralement exhumés, la plupart du temps en pièces détachées ou encore pris sous une chape de béton, rarement cuits.
Treize squelettes « auxquels adhérent encore des lambeaux de chair ou de tendon altérés par la cuisson » sont découverts dans le Paris d’après-guerre. Montés sur fil de fer, ils prennent la pose : langoureusement allongé sur un lit dans la vitrine du célèbre marchand de meubles Léviathan, couché en chien de fusil dans le piano d’un concertiste ou encore parachuté dans les jardins de l’Elysée.
Stanislas Perceneige, ancien magistrat reconverti détective privé, mène l’enquête, aidé de son ancien greffier et d’une fiancée assez nunuche. Sur sa route, il croisera la « Ligue Pour la Défense des Français d’Origine Contre l’Immigration Abusive », un spécialiste du bandage d’art, des déménageurs soûlographes, ainsi que le très actif « Club des Anthropophages » qui regroupe des coloniaux respectables ayant de près ou de loin la nostalgie de l’humaine chair.
Ce polar, publié en 1950, au rythme alerte, mâtiné de style américain (techniques d’enquêtes, filatures, relation espace-temps) et de gaudriole surréalisto-franchouillarde, malgré son inventivité, laisse le lecteur sur sa faim. Il est toutefois un des premiers à avoir abordé le sujet de l’anthropophagie et compile de Dante à Alfred Jarry un grand nombre de citations historico-littéraires sur la question. Il se termine en apothéose par un délicat manger de baisers. Son auteur Jyppé Carraud, ancien magistrat, né en 1921, a publié de 1948 à 1952 une demi-douzaine de romans policiers.
Le Squelette cuit
Jyppé Carraud
Rivages
286 pages, 59 FF
Domaine français Polar-bouffe
janvier 1998 | Le Matricule des Anges n°22
| par
Christophe Dabitch
Un livre
Polar-bouffe
Par
Christophe Dabitch
Le Matricule des Anges n°22
, janvier 1998.