Un cœur qui marche vers sa cause ne cesse pas ». L’œuvre poétique de Patrick Guyon obéit à cette phrase en mettant en scène l’être humain sur un chemin où tout demeure en équilibre. Présenté comme un livre comprenant les deux premières parties d’un tryptique dont le troisième volet est paru en 1995 (L’Autre moitié du ciel, chez le même éditeur), Le Livre de la sortie du jour propose d’être ce jeu d’alchimie, entre philosophie et images, qui est la poésie.
Dans une écriture stricte, austère, et encore plus inaltérable dans l’amour qu’elle exprime que dans les blessures qui l’affectent, la poésie de Patrick Guyon -fut-elle traces, symboles ou mémoire- est celle d’une marche parmi les cités des hommes, parmi leurs paroles et leurs œuvres. Profondément fervents, et en bien des aspects mystiques, ces poèmes nous sont d’autant plus précieux qu’ils nous permettent de mesurer l’originalité de cet auteur.
Conçu en deux volets distincts, Les Sept Maisons du jugement et Lui l’emmuraillé dit, Le Livre de la sortie du jour est nourri de lectures classiques (on y cite en exergue des auteurs latins et grecs) et de La Bible plus que de la religion chrétienne. C’est bien le Texte, la parole originelle qui intéressent Guyon, qui dans une tradition poétique souvent moquée se pose en prophète et en fou, tant il est vrai que la sagesse de l’Amour divin est folie aux yeux des hommes.
A l’identique d’Yves Bonnefoy (auquel un poème est dédié), Patrick Guyon constate, sans se représenter dans ce constat, la disparition des dieux, ou plus exactement, leur « enfouissement ». Guyon sait heureusement éviter la posture : « C’est une guerre, la vie vivante, et une guerre, le poème qui la fait » est un aphorisme qui aurait de quoi revivifier bien des approches critiques de ce bel-art. Mais Guyon va plus loin : au-delà du constat, il propose des méthodes, la validité d’un enseignement qui n’a rien d’artificieux et qui trouve sa validité dans l’étude du monde : « La guerre, à chaque page, de l’ordre et de l’asymétrique ; d’un cœur de diamant et d’une poitrine ouverte ; toujours de perfections formelles -beauté sur socle- et d’imparables convulsions… » Et de conclure dans le refus du cynisme : « Quel besoin de Platon, du Coran ? (« Vois cet amas de rêves : c’est un poète qui suit l’égarement ! »). C’est au guerrier lui-même de manœuvrer contre l’erreur. De lancer contre soi la vrai qui lui écrase la tête ».
Autant dire qu’avec une telle droiture de pensée, on ressort revigoré de la lecture de ce livre, qui, quoiqu’exigeant et riche d’exhortations, procure, parce qu’il le fait partager, tout l’amour qu’il contient. L’image du guerrier traverse en effet tout ce « récit », où un monde finit par se dessiner : un monde où l’expérience est reine, où apprendre est justement s’abandonner au mystère de la vie, inconnu, violent, sournois, magique… beau, tel ce « final » du poème L’Autre pays, où la révélation de soi n’est qu’amitié partagée du langage : « Puis tu poses des mots sur ta langue comme une obole bien gagée, et d’homme à homme, non pas d’une ombre. » Par cette dignité, ce véritable humanisme, Le Livre de la sortie du jour « confirme » – comme on le dit dans une cérémonie religieuse – un immense poète.
Marc Blanchet
Le Livre de la sortie du jour de Patrick Guyon
Cheyne Éditeur, 118 pages, 80 FF
Poésie Guyon, en toute fraternité
janvier 1998 | Le Matricule des Anges n°22
| par
Marc Blanchet
Poète encore trop méconnu, Patrick Guyon continue de tutoyer les dieux en concluant un tryptique avec Le Livre de la sortie du jour.
Un livre
Guyon, en toute fraternité
Par
Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°22
, janvier 1998.