Difficile de ne pas suivre Prétexte dans ses choix éditoriaux. On croise ainsi, au fil des dix-sept numéros parus bon nombre d’œuvres d’écrivains dont nous nous sommes fait l’écho ici même. De Christian Prigent, Antoine Volodine, Erri de Luca, Bernard Noël, Claude Louis-Combet et beaucoup d’autres, Prétexte donne à lire aussi bien des textes critiques, des entretiens que des dossiers. C’est dire que cette revue trimestrielle porte sur la littérature d’aujourd’hui un regard acéré et curieux, où se mêle l’enthousiasme de la découverte à celui du partage. Si la démarche de Lionel Destremeau (directeur de la publication) et Jean-Christophe Millois (co-directeur) fait la part belle à une certaine forme journalistique de la critique (notes de lecture et interviews), le sérieux et le désir de ne pas rester à la surface des choses donnent à certains articles un ton universitaire. Ainsi la dernière livraison s’ouvre-t-elle sur l’obstacle d’un premier article critique (concernant l’œuvre d’Emmanuel Hocquard) où les notes de bas de page et le jargon (« Aucune trace d’une prédétermination dans cette antécédence, sur le plan d’émergence, fût-elle d’ordre phénoménologique ou psychique ») font de la lecture un parcours du combattant pour lecteur non-aguerri. Car, parfois, mieux vaut avoir lu les auteurs dont il est question avant de plonger dans Prétexte. Encore que, dans le N°16, le dossier consacré à Antoine Volodine, malgré la complexité de l’œuvre elle-même, dressait un panorama incitatif à l’exploration du romancier. Evoquer un roman avec rigueur permet aussi de donner bougrement envie d’y aller voir de plus près. La critique reprend, sous la plume de ses rédacteurs, la place que le journalisme et la société du spectacle lui avait confisquée. Il s’agit bien d’éclairer, de mettre en perspective, d’interroger l’acte créatif. Prétexte ne se jette pas après lecture mais vient compléter sur une étagère ces ouvrages dont on sait qu’ils seront compulsés régulièrement. Les amateurs de Science-Fiction se réjouiront donc du dossier consacré à ce genre tel qu’il est pratiqué en France. Dix critiques et quatre entretiens offrent « un aperçu attractif » de la SF française. Il n’est pas certain que cela suffise à attirer à elle des lecteurs récalcitrants au genre. Hors dossier, ce n°17 salue les cinquante ans d’Action Poétique en invitant Henri Deluy et Pascal Boulanger à faire le bilan de ce demi siècle d’activisme. Si la revue propose aussi régulièrement une traduction inédite d’un poète, on appréciera surtout la qualité de ses notes de lecture qui collent à l’actualité et qui multiplient les invitations à découvrir des œuvres qui valent qu’on se mobilise pour elles.
Prétexte N°17 138 pages, 40 FF- Abonnement 4 N° : 160 FF
11, rue Villedo 75 001 Paris
Revue Un bon prétexte à lire
juin 1998 | Le Matricule des Anges n°23
| par
Thierry Guichard
Revue de réflexion et d’information sur la littérature contemporaine, Prétexte cherche à faire émerger le sens de toute œuvre digne d’intérêt.
Un livre
Un bon prétexte à lire
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°23
, juin 1998.