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Poésie Une histoire de fantôme

juin 1998 | Le Matricule des Anges n°23 | par Xavier Person

Après L’Effet éclair (Au figuré, 1995), Yannick Liron invente dans L’Effet fantôme une poésie bucolique et antipoétique. Un livre fascinant.

L' Effet fantôme

L’Effet fantôme est un livre paradoxal, dont les apparences sont trompeuses. Son sujet de prime abord semble des plus poétiques, et le libellé de chacune de ses sept parties nous fait d’emblée pressentir quelques belles phrases sentimentales et rêveuses, fruit d’un discret mais sûr émerveillement : les nuits, le jardin, la maison, les lumières, le ciel, les fenêtres, les ombres. Mais sa lecture très vite s’avère problématique, comme impossible. De chacun de ses paisibles sujets, rien ne semble pouvoir être écrit ou, ce qui revient au même, tout semble pouvoir être dit, tout et le contraire de tout. A chaque fois, en effet, Yannick Liron propose un inventaire de phrases ou de segments de phrases possibles, une succession d’énoncés plus ou moins fragmentés, enchevêtrés, collés les uns aux autres, qui n’ayant en commun que d’inclure à chaque fois le mot proposé en exergue, ou de s’y rapporter, font une vertigineuse énumération : « le ciel est d’un bleu/des régions de ciel aussi sombres et lumineuses/ce furent des nuages qui envahirent le ciel/un immense ciel étoilé ».
L’« effet fantôme » opère ainsi un radical brouillage du référent : le lecteur s’avance dans le livre sans rien voir que de trop rapides scintillements, sans jamais pouvoir poser son regard sur rien. La beauté de ce livre, beauté violente, aveuglante, tient dans cet épuisement du sens que provoque l’oxymore, dans cette constante et délibérée juxtaposition des contraires qui au lecteur ne permet aucune représentation stable, aucune figuration.
Le chapitre intitulé « les lumières » commence par : « dans l’excès de lumière » et, de fait, se constitue dans un éblouissement. Tout en disant les infinies variations de lumière, les nuances multiples de la clarté, l’ensemble de ces notations ainsi rassemblées ne fait qu’ajouter de la lumière à la lumière, et ne nous permet plus de rien voir. On pense à la peinture d’un Morandi, ou à quelque chose de plus abstrait encore, de plus excessif : « éclats durs/la clarté qui se risque assourdit sa lumière/point lumineux/lumière affaiblie sur le mur/noyau dur d’un soleil qui écarte éclaire/à la manière d’une lumière qui fait irruption/bris d’une lumière ».
Dans le chapitre « les nuits » on pensera plus à un Soulage et à cette abstraction, cette profondeur du noir qui au bout du compte fait une clarté.
Dans l’insistance de cette variation sur chaque mot, dans cet approfondissement du substantif, une verticalité se creuse, un vertige se fait. Comme si l’histoire qui dans cette maison ou dans ce jardin aurait pu se passer ne se laissait pas raconter. Comme si aucune progression n’était possible, aucune avancée, aucune résolution. « L’ombre est sans épaisseur », et c’est bien dans cette inconsistance des ombres que Yannick Liron choisit d’achever son livre, dans une évanescence de tout, dans les limbes peut-être encore, dans ce refus de trancher entre tous les possibles, dans une désincarnation finalement.
De fait, L’Effet fantôme est un livre immobile, absolument immobile, où l’écrivain, fantôme, ne s’incarne jamais qu’à l’état de fantôme. C’est de ce fait un livre difficile, et fascinant, qu’aussitôt achevé on recommence, pour essayer d’en comprendre l’histoire et sa profondeur.

L’Effet fantôme
Yannick Liron

P.O.L
95 pages, 95 FF

Une histoire de fantôme Par Xavier Person
Le Matricule des Anges n°23 , juin 1998.
LMDA PDF n°23
4,00