C’est un polar arrosé de cappucino rouge sang, craquant comme des grissini à la mortadelle, où la grappa se boit comme du scotch triple sec dans un Milan grisâtre et luisant sous la pluie. Le détective, collectionneur de jolies filles, a sa belle gueule régulièrement confondue avec un punching-ball. Les ingrédients du policier standard sont bel et bien là, mais sous la plume ironique d’Andrea G. Pinketts, ils en prennent sacrément pour leur grade…
Première cible, le héros : qu’il vive chez sa mère, et emmène tous les mercredis sa grand-mère au jardin public, passe encore. Qu’il ait le sens de la formule et ne résiste point aux fines réparties et aux élancées métaphysico-littéraires, soit. Qu’il s’appelle Lazare Santandrea, le cas se complique. Mais franchement, qu’il se casse le coccyx sur un pot de fleurs dès le premier chapitre, voilà qui met à mal le mythe du privé !
On rit donc, d’abord franco de port, avec une galerie abracadabrante de copains, Bidoche la fringale, Pogo le Juste, chauffeur de taxi et encyclopédie vivante, Caroli, désespérement acteur à la recherche d’un rôle, Léone la psychologue nymphomane… Puis le rire jaunit. Il hoquette sur la crucifixion de Lazare, à bord d’un tramway, un talon-aiguille planté dans la paume. La mort entre dans la danse, l’écriture s’accélère, à la recherche d’une vieille amie, Nicky, si laide et si menteuse. Et un chaperon rouge lui a piqué son nom et ses mensonges, a revêtu sa peau. Lazare remonte la piste, justicier et courageux. Quand la vérité lui apparaîtra, flottant entre les deux eaux d’une piscine ; elle sera crue, elle sera moche. Du rire initial, il ne restera qu’un rictus, et Lazare comptera sur ses doigts les hommes morts par sa faute. Un foutu nom, et un foutu défaut, que de se prendre pour le bon dieu.
Le Sens de la formule
Andrea G. Pinketts
Traduit de l’italien
par Gérard Lecas
Rivages
340 pages, 68FF
Domaine étranger Des morts à l’appel
juin 1998 | Le Matricule des Anges n°23
| par
Cédric Chauvin
Un livre
Des morts à l’appel
Par
Cédric Chauvin
Le Matricule des Anges n°23
, juin 1998.