En poésie, il est toujours tentant de faire sa petite encyclopédie botanique. Cette fois-ci, c’est Robert Vigneau qui s’y colle. Quiconque s’intéresse à l’histoire de la poésie française en ce dernier quart de siècle connaît les poètes qui ont tourné autour de Jacques Réda lorsque celui-ci dirigeait La Nouvelle Revue Française. La métrique était appréciée et les sujets jugés anodins réévalués. On se promenait, on contemplait et on écrivait avec humour sur ce qui fait les petits riens de la vie. Légumes, arbres et plantes sont choses nobles. Pourquoi ne pas leur consacrer quelques poèmes ? L’abricotier, les radis, le romarin sont conviés sur l’étal de Robert Vigneau, tous offerts en un bouquet de rimes au lecteur. Par exemple, le cactus : « Salut, vieux cactus ! Toujours en colère ?/ Toujours à bouder l’oiseau et le vent ?/ Tu fais le gros-dos au coin du désert,/ Tu ne tends que griffe aux bonjours des gens. » Etcaetera… Dieu, que c’est mignon ! Après tout, c’est vrai : le cactus méritait bien un petit poème.
Bien sûr, reste à savoir quels peuvent être les lecteurs de ce recueil. La cible est facile tant elle ne choisit que de s’inscrire entre image(rie)s de Doisneau et nostalgie de l’école d’après-guerre (après ?). Autre produit terreux, les radis : « Les petits radis orphelins/ Pleurent, terrés tout ronds, tout roses/ Dans le froid berceau du jardin/ Que la froide rosée arrose/ De ses pleurs au froid du matin. » Et c’est vrai que tout n’est pas rose pour les radis. Si on excepte la belle maquette des éditions Eolienne (douées en la matière), on ne peut pas dire que ce livre soit un bon engrais pour l’esprit du lecteur.
Il y a un véritable malaise à lire une poésie si figée dans ses artifices, si posée et complaisante. On ira faire son marché poétique ailleurs.
Botaniques
Robert Vigneau
Eolienne
78 pages, 80 FF
Poésie Maraîcher douteux
juin 1998 | Le Matricule des Anges n°23
| par
Marc Blanchet
Un livre
Maraîcher douteux
Par
Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°23
, juin 1998.