La ficelle est un peu grosse. Elle sent la manœuvre du navigateur qui a trouvé d’où vient le vent. En créant la collection Le Furet enquête, Albin Michel jeunesse ne cache pas sa stratégie : le format et les couleurs vives des couvertures du Furet évoquent un peu celles de la collection Chair de poule qui semble être la seule à provoquer le génocide des tirelires. Pour autant, on aurait tort de faire la fine bouche. Le Furet enquête repose sur une recette éprouvée par Le Poulpe : prenez un personnage récurrent, Yannick Lerufet, alias Le Furet, et confiez-le à une ribambelle d’écrivains afin que chacun lui fasse vivre une aventure. Il y a de quoi là provoquer un état de dépendance chez le lecteur déjà habitué aux séries. Partez du postulat que chaque aventure du Furet doit se dérouler en un lieu précis qui sera évoqué de façon réaliste (La Creuse et ses champignons, La Corse et ses oliviers, etc.) et vous donnez un petit argument pédagogique aux prescripteurs. Cerise sur le gâteau : confiez les premiers épisodes de la série à des auteurs qui ont fait leurs preuves en Série noire ou ailleurs et vous obtiendrez la grâce des parents accoutumés à ces écrivains.
Les épices maintenant : rendre orphelin notre héros, placez-le au milieu du couple formé par son oncle, Breton bricoleur, et sa tante, Québécoise à l’accent prononcé. Mettez le trio dans un camion Mercedes très particulier (K2000 version France profonde) qui traverse l’hexagone au gré des saisons et des marchés. Enfin, relevez le tout d’une copine, banlieusarde branchée (sur Internet) qui utilisera toutes ses connaissances pour aider son petit copain à résoudre une affaire. Que ce soit dans Secrets de famille de Sylvie Granotier, dans Les Vacances se corsent de Chantal Pelletier ou dans Combats de nuit de Frédéric H. Fajardie, notre jeune héros est confronté à des drames familiaux qui épaississent l’enquête. Cette complexité, toute relative, est à saluer. Elle offre au moins l’occasion d’un questionnement. Souhaitons à Franck Pavloff, qui dirige la collection, de toujours confier son jeune héros à des auteurs talentueux. Les petits cochons plein de sous vivront de mauvais jours.
Éditeur Le Furet passe partout
janvier 1999 | Le Matricule des Anges n°25
| par
Thierry Guichard
Un éditeur