Il faut savoir prendre son temps avec Gregory Motton. Beaucoup de temps. Et si vous enregistrez l’entretien, vous pouvez être sûr que la première face de la cassette ne sera que bredouillements et vaines tentatives d’approche. Perches tendues que le jeune écrivain britannique se refuse à saisir. Sans animosité particulière, juste pas très inspiré. Entre les grands blancs et de menus propos lâchés au compte-gouttes, les coups de gueule des éternels clients du Café des sports -l’un des derniers vieux bistrots de la rue de Ménilmontant où la patronne porte le joli nom d’Étoile et où Gregory Motton fixe invariablement ses rendez-vous parisiens.
Non, il n’a rien contre les interviews mais il attache une importance extrême à chaque mot. Trop souvent, dit-il, les journalistes n’ont pas précisément idée de ce qu’ils veulent savoir et comptent sur l’écrivain pour recentrer le propos. Alors à force d’énervement, il ne se prête plus au jeu. Et sans le concours de sa jeune amie pour la traduction, les choses seraient probablement plus difficiles. Derrière sa dégaine relax et ses yeux clairs, Gregory Motton s’avère du genre nerveux, exigeant, particulièrement agacé par les metteurs en scène français -à une ou deux exceptions près.
Né en 1961 à Londres, il avait 26 ans quand Chicken, sa première pièce a été jouée en Angleterre pour la première fois. Ambulance, et Downfall ont rapidement suivi au Royal Court Theatre à Londres. Ouverte à la jeune création, cette scène est réputée pour avoir facilité l’émergence des meilleurs auteurs contemporains. Edward Bond et Sarah Kane sont passés par là.
C’est là que Nicole Brette, sa première traductrice en français, l’a rencontré en 1987. En France, son théâtre a été porté pour la première fois sur la scène du T.G.P. Saint-Denis par Claude Régy qui y a monté Chutes (Downfall), en 1992, puis La Terrible Voix de Satan, l’année suivante. À 38 ans, il est l’auteur d’une dizaine de pièces et de travaux radiophoniques.
Marqués par la réalité sociale, économique et politique de l’Angleterre, ses textes évoluent entre un nouveau réalisme à l’anglaise et une veine de plus en plus satirique, dont témoignent Loué soit le progrès et Chat et souris (moutons) parus cette année en français.
Toute comparaison avec l’univers d’Edward Bond lui paraît hors propos. « Il est anglais et moi aussi, la ressemblance s’arrête là. C’est quelqu’un d’immense, je le respecte énormément Nous écrivons tous les deux sur l’époque actuelle mais il est plutôt analytique, idéologique alors que je suis hystérique. Ce sont deux approches complètement différentes ». Le terme d’absurde, souvent avancé, ne lui convient pas du tout. Ses dialogues dit-il sont à peine exagérés et il ne comprend pas pourquoi la critique française s’entête à évoquer les Monty Python. « Peut-être en raison d’un sens de l’humour spécifiquement anglais que nous avons en commun » mais qu’il serait bien en mal de caractériser. Ajoutons, pour terminer ce...
Entretiens Contre le prêt-à-penser
août 1999 | Le Matricule des Anges n°27
| par
Maïa Bouteillet
Le Britannique Gregory Motton compte à 38 ans, une dizaine de pièces à son registre. Entretien grincheux avec un homme exigeant peu enclin aux compromis. Décapant.
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