Si les éditions Al Dante n’existaient pas, il faudrait les inventer. Si les éditions Al Dante n’existaient pas, on pourrait faire comme si les textes qu’elles publient n’étaient pas là, étonnants, ahurissants, peu lisibles parfois (au premier abord), agaçants, oui, par leur parti pris d’innovations, d’expérimentations tous azimuts, par leurs formes azimutées qui dérangent nos habitudes, nous font crier au faiseur, au voleur d’avant-garde, à l’attentat aux bonnes mœurs de la littérature.
Si les éditions Al Dante n’existaient pas, on se serait notamment évité les envoûtantes perturbations stylistiques d’un Christophe Tarkos, les exaspérantes disjonctions d’un Philippe Beck, les déroutants collages d’un Christophe Hanna, les mystérieuses distorsions d’un Thibaud Baldacci, les cinématographiques méditations d’une Véronique Pittolo, etc. On se serait évité bien des livres atypiques, bien des questions.
Quant à savoir pourquoi les éditions Al Dante existent, c’est à Laurent Cauwet qu’il revient d’y répondre, au café La Coupole, Mairie des Lilas, non loin de Romainville où, de retour de Marseille, les éditions viennent de s’installer. Là où des « ouvriers » vivent.
Le premier livre des éditions Al Dante a été l’occasion d’une rencontre avec Jean-Marie Gleize. Cette rencontre a-t-elle été fondatrice pour vous ?
Cette rencontre ne fonde rien, mais elle impose une rigueur, elle est un formidable coup d’accélérateur. Quand nous reprenons la revue Nioques de Jean-Marie Gleize, elle a déjà cinq années d’existence. D’un coup, nous entrons dans ce champ qu’elle propose à la poésie.
Il n’est sans doute pas insignifiant qu’au départ Al Dante ait été un magazine d’arts plastiques ?
Ce qui m’intéressait, c’était l’expression de l’art contemporain et, plus généralement, toutes les formes qui mêlaient les écritures. Mais au départ, c’est déjà le texte qui m’intéresse. Le hasard des rencontres a fait que lorsque je me suis installé dans le Sud, à Aix, j’ai ouvert une galerie avec un ami. Pendant un temps, j’ai voulu faire de ce lieu le point de départ d’une activité d’édition. C’est bien de l’espace de la littérature que je pars, pour voir si ça peut conduire vers d’autres expressions. Cela peut être le sonore, avec des gens comme Bernard Heidsieck ou Julien Blaine. Ou le visuel, avec Christophe Hanna ou Thibaud Baldacci.
En commençant par l’école Estienne, vous marquiez votre intérêt pour la fabrication du livre ?
Il s’agissait de se donner les moyens d’être éditeur, en créant les bons supports. Il m’intéresse de pouvoir répondre aux demandes différentes de chaque auteur quant à la forme du livre, mais sans jamais aller vers le livre d’artiste : il s’agit de faire des livres aisément diffusables, qui permettent à tous d’accéder à ces écritures.
Revenons sur le point de départ, l’édition de La Nudité gagne, de Jean-Marie Gleize, en 1995.
Au départ, on m’avait proposé de publier le catalogue...
Éditeur Al Dante : éditeur vivant
août 1999 | Le Matricule des Anges n°27
| par
Xavier Person
Dans le prolongement de la revue Nioques, Al Dante accueille de singulières expériences d’écritures. Laurent Cauwet : un éditeur qui se veut aussi radical que ses auteurs.
Un éditeur