Se plaçant face à l’insoutenable, la poésie de Patrick Wateau s’écrit dans une manière d’exténuation du langage, dans une radicalité qui cependant n’empêche pas un certain baroquisme, une certaine complaisance pour la putréfaction des chairs et les troubles flatulences des dépouilles.
Par argument de mort nous propose une peu réjouissante exploration du cadavre. De très courts textes assez contournés, pour ne pas dire maniérés, nous livrent les plus répugnants morceaux d’une sordide dissection à quoi se livre l’écriture : « Rudiment des narines,/ ce blanc verdâtre dont l’intérieur se fronce ».
Lieu commun de l’esthétique baroque, l’argument de la mort ne lasse pas d’être convaincant cependant. Prenant « la dureté comme unité de mesure », la langue s’opacifie, dans une torsion sur elle-même se ferme, finissant par ne plus tendre que vers son propre échec, vers sa décomposition : « Parole en pus,/ roue des déclinaisons./ La fosse à chaux de la grammaire ». Parsemant un texte qui le plus souvent fonctionne sur le mode négatif, ou négateur, en ce que du cadavre il ne montre rien que des « profils partout/ à chaque angle », quelques néologismes viennent boucler la boucle de l’incommunicable - « putrilage », par exemple, ou « cadavérine ».
Paraissant simultanément, Le Non-dormir nous place face à l’insomnie dans l’étonnement de ce qui d’ordinaire laisse sans voix, « le sommeil hors de nous et la veille hors de nous ».
Dans un état semblablement insoutenable. Au cœur de cette « dénudation » à quoi aboutit la poésie de Patrick Wateau. En d’oppressantes formulations : « Obscur, nul des obscurs ne l’est plus que le sperme ».
A signaler aussi, la parution d’un essai : Minerve, José Corti, 126 pages, 95 FF
Patrick Wateau
Par argument de mort
et Le Non-dormir
Éditions Unes
56 et 41 pages, 81 et 75 FF
Poésie Poésie du cadavre
août 1999 | Le Matricule des Anges n°27
| par
Xavier Person
Un livre
Poésie du cadavre
Par
Xavier Person
Le Matricule des Anges n°27
, août 1999.