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Domaine français Le théâtre fou de la foi

août 1999 | Le Matricule des Anges n°27 | par Éric Dussert

Personnage historique privé d’histoire, Armand Arouet, le propre frère de Voltaire est ressuscité par Jean Claude Bologne. Parcours d’un homme déboussolé.

Le Frère à la bague

Jean Claude Bologne est ambidextre. Tandis qu’il rédige d’une main des ouvrages érudits sur l’Histoire de la pudeur (Hachette, 1997), du mariage en Occident (id., 1998) ou du sentiment amoureux (Perrin, 1999), il occupe l’autre à la création littéraire. Parfois, il mêle les deux et met l’histoire au service du roman. Là où les documents manquent, il pallie par la libre inspiration et la pure imagination. N’oublions pas qu’il souscrit aux principes de la Nouvelle Fiction à l’instar de Frédéric Tristan ou de Marc Petit.
Fort de son double métier, il a imaginé le parcours d’Armand Arouet, le frère méconnu de Voltaire. C’est une figure du malaise que ce Frère à la bague assis entre les chaises branlantes du mysticisme et du notariat. Fantôme historique, on ne sait de lui que ce qu’en dit un unique article paru il y a plus d’un siècle dans la Revue des Deux Mondes. Sous la plume de Bologne, le personnage farouche prend tout à coup une épaisseur notable et déconcertante.
Armand Arouet est à la recherche de son âme et croit la trouver grâce aux femmes. Mais celles qu’il choisit sont trop singulières : « l’Eve noire », « la Noyée », « la Grimpeuse » ou « la Salamandre » sont de chair ou de boue, elles sautent dans les brasiers, subissent la noyade et en sont sauvées par des voies très originales. Toutes, elles impriment dans l’esprit bancal du solitaire leur ombre portée. Leur influence porte tantôt à la chair, tantôt à l’Esprit saint. Elles impriment leur rythme à cette existence et dévoilent l’origine du trouble qui anime cet homme. Il y va du rôle de la mère, la belle boiteuse bigote qui fume la pipe et d’un amour contrarié pour la désirable fille d’un libraire. S’il était l’objet du livre, ce poids de la mère et du secret familial ne serait pas convaincant. Il conduirait trop directement au divan du Doktor Freud. Sauf qu’à l’époque du jésuitisme régnant, l’épanchement des désirs contrariés usait de canaux très spéciaux. Et là, Bologne en connaît un rayon.
En thaumaturge adroit, Bologne rend son rôle éminent à Armand dans la campagne des jansénistes dévoyés. Menés par le diacre François de Pâris, ils procèdent à une immense mystification pour contrecarrer le pouvoir des jésuites et compromettre Voltaire. L’athée méfiant sent le piège tandis qu’Armand fait la chèvre. Il est vrai qu’il appartient à cette Religion Prétendument Réformée (la dénomination est historique) et participe de bonne grâce à ses dérives. C’est ainsi qu’il devient acteur de l’incroyable et véridique épisode des Convulsionnaires de Saint-Médard, l’autre sujet du livre.
L’activité des Convulsionnaires prend sa source dans la mort du diacre Pâris et les miracles frelatés qui sont joués sur sa tombe. Nous voilà embarqués dans la description d’un théâtre inimaginable, hystérique, baroque et très sensuel au fond. S’y livrent de jeunes filles hystériques ou droguées qui confortent leur foi et celle des spectateurs en rejouant le martyre et la passion du Christ. Sans chiqué. Elles en meurent parfois. On imagine quelle impression pût en garder le jeune Sade qui accompagnait son père aux séances de crucifixions. Spasmes, extases, élévations…
Jean Claude Bologne fait preuve de sa virtuosité. Dans la foulée de Sans témoins (Zulma, 1996), il laisse deviner la consternation que lui procure cette folie baroque. Il réveille quelque chose de sombre et d’animal avec ce roman nourri de l’excitation d’un spectacle de foire et de foi, une apothéose du théâtre à l’âge classique.

Le Frère à la bague
Jean Claude Bologne

Le Rocher
285 pages, 119 FF

Le théâtre fou de la foi Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°27 , août 1999.
LMDA PDF n°27
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