La publication de Lumière frontale (éditions de La Différence) voici deux ans a permis au lecteur français de découvrir un auteur italien dont la réputation va grandissante dans son pays. Depuis Le Sommeil de Gênes, son premier recueil préfacé par Mario Luzi, Roberto Mussapi a poursuivi une œuvre poétique singulière, d’une grande lisibilité, imprégnée des mythes, légendes, histoires qui ont fait l’humanité. Une lecture du monde plus instruite que savante, faite avec le plaisir de l’écolier surdoué qui sait captiver son auditoire, interrogeant la destinée humaine en faisant parler les morts, en faisant l’épreuve dantesque de la traversée des cercles de l’enfer, en ramenant la parole poétique hors de ceux-ci pour lui donner une lumière égale à celle du monde.
Fervente, religieuse parfois, la poésie de Mussapi est aussi une marche incessante que l’on retrouve dans Le Voyage de midi, qui vient de paraître chez L’Arpenteur. L’ouvrage est un des rares livres d’un contemporain vivant préfacé par Yves Bonnefoy qui écrit à son sujet : « Une poésie qui vivrait de façon en somme non seulement spontanée mais aussi réflexive et explicitée cette identité de l’universel et du singulier que les plus beaux des poèmes sont toujours. Virgile, Dante, Pétrarque, Yeats ont été de tels poètes, par opposition à Shakespeare ou Villon, qui, eux, ne pouvaient se donner le temps de la pensée qui observe la pensée, de la parole qui cherche à dire la philosophie de la pensée. »
Citer, comparer Mussapi à ces grands noms, est un risque pertinent que prend Bonnefoy. La poésie de Mussapi est l’héritière de ces classiques qui ont fait se rencontrer les vies humaines et la conscience d’une aventure commune à tous. Extrêmement narratifs, les poèmes de Mussapi sont des fleuves fraternels qui saisissent tout sur leur passage et diffèrent en ceci des autres courants poétiques italiens. Le long poème Le Souvenir d’Énée est ainsi le vrai reflet de cette démarche : comprendre l’humain en restituant la parole à des personnages antiques : « Je me suis soumis à l’oracle, et au camouflage/ désespéré du dieu pour qu’il paraisse nécessaire,/ mais toutes mes visions furent celles de membres/ fraternels qui se dissolvaient dans le gel,/ de vies qui s’enfuyaient en gémissant parmi les ombres./ Mon école, ce fut le sang. Pourtant, j’aimais/ les cèdres du Liban agités par le vent,/ et le vin frais que versent les jeunes filles/ et le sable que l’on caresse après avoir abordé au rivage, et Didon qui s’éloignait entre ses servantes. »
Nostalgique, émue, la parole de Mussapi pénètre les strates de l’histoire humaine, compose de nouveaux chants pour le monde. Ni plus, ni moins : sa réussite est le fruit d’une sensibilité plutôt qu’un quelconque projet.
De passage à Paris, dans la maturité élégante de la quarantaine, Roberto Mussapi répond de sa poésie avec une délicatesse et un étonnement qui semblent devoir ne pas la corrompre de sitôt.
L’enfance est très...
Entretiens Les heures pleines de Mussapi
Inspirée des mythes, célébrant l’éternel dans le quotidien, la poésie de l’Italien Roberto Mussapi s’impose comme l’une des plus remarquables d’Europe. Nostalgique et émue, sa parole pénètre les strates de l’histoire humaine.