Pas écrivain, auteur, se présente-t-elle, auteur de rompols, traduisez romans policiers. Menue, d’apparence fragile, un regard intense, une voix un peu atone, Fred Vargas, la quarantaine, archéologue, spécialisée dans le Moyen âge, a sept rompols à son actif. Sept romans écrits en une douzaine d’années. Le premier Les Jeux de l’amour et de la mort reçoit le Prix du roman policier du Festival de Cognac en 1986, avant d’être publié au Masque en 1986. Elle remportera d’autres prix. Pourtant le style n’est guère époustouflant, plutôt sobre. Alors, qu’est-ce qui attire ? Le charme du décalage ; rythmes lents, chemins de traverse, peu de sang, peu de haine, des héros attachants, parce qu’inattendus, introspectifs, humains. Rigoureuse, d’une grande faculté d’analyse, Fred Vargas affine les détails, s’attarde sur les traces et porte un autre regard sur les crimes, les humains et les choses.
Vous paraissez être un auteur assez atypique de romans policiers.
Si on regarde chaque auteur de roman noir, il est typique de lui-même et il est singulier. Chacun fait à sa manière dans un genre très hétéroclite avec un socle commun évident, qu’on appelle le noir. Je ne lutte pas contre le terme d’atypique, mais je propose qu’on le donne à tout le monde !
Comment définissez-vous votre travail d’écriture ?
J’aime les auteurs noirs américains, mais je n’essaye pas de faire comme eux. L’américanisme en langue française, je ne pense pas que ça vaille le coup de le copier. Je n’essaye pas de faire de la blanche non plus. J’essaye simplement de faire du roman policier, s’il est plus blanc que noir, c’est possible. Je n’essaye pas de le noircir, en effet. Je répugne à laisser à la fin de mes livres le lecteur dans l’obscurité ou la dépression. Ça fait plutôt noir et bleu, noir et rouge. Noir avec une autre couleur dedans et avec des lumières.
Vous n’aimez pas les effets gore ?
Je déteste en lire, non pas que je réprouve que l’on puisse aimer en lire. Ça ne fait pas réellement partie des objectifs du roman policier que de s’attarder sur le versant potentiel de l’horreur des crimes. Puisqu’il y a meurtre, on peut imaginer s’attarder sur ce spectacle, sur l’acte de violence, puis sur la décomposition et tout ce qui s’ensuit. On est à la limite du faux-sens, c’est un détour qui ne m’intéresse pas.
Vos personnages font beaucoup d’introspection.
Oui, il faut bien qu’ils existent un petit peu. Ce ne sont pas des personnalités narcissiques, des gens qui passent leur vie à s’analyser. Je passe peu de temps à me demander qui je suis. Je tente de décrire mes personnages, mais comme je ne prends pas une voix off de l’auteur analysant, que je l’enlève systématiquement des livres, pour ne pas intervenir, je laisse croire que c’est la personne elle-même qui réfléchit un peu sur son caractère. C’est pour cela qu’ils ont un petit côté introspectif.
On a l’impression que vous retournez le réel pour montrer une certaine...
Entretiens Retournement des morts
août 1999 | Le Matricule des Anges n°27
| par
Dominique Aussenac
Forcément atypique, cette archéologue, auteur de polars, préfère au sang de l’intrigue, les traces que les humains laissent de leurs actes.Rencontre avec Fred Vargas, traqueuse de poésie au quotidien.
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Un livre