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Domaine français De l’autre côté du miroir

octobre 1999 | Le Matricule des Anges n°28 | par Benoît Broyart

Hubert Haddad ajoute trois nouveaux éléments à son œuvre. Une exigence d’écriture qui, dans sa quête radicale, frôle parfois l’hermétisme.

Du visage et autres abîmes

Près de quarante volumes composent l’œuvre de Hubert Haddad : roman, nouvelle, poème, théâtre, essai. Nulle forme ne lui échappe. Sa pensée en marche a besoin d’investir tous les genres littéraires. Mais quelle que soit sa forme, chaque livre de l’écrivain est hanté par les mêmes obsessions : actualité du mythe, fascination pour le double, les masques, les monstres et ce qui tend à rendre la réalité invivable. Rien d’étonnant que le recours au fantastique soit souvent le moyen le plus sûr d’atteindre ce qui semble le but absolu de la recherche de Hubert Haddad, accéder à la vérité ou en tout cas, parvenir à élucider le monde dans lequel l’être humain essaie de respirer. Si cette volonté devrait être celle de la littérature entière, elle a l’avantage d’être ici clairement visible.
Trois livres cette année, à commencer par un essai sur le visage. Des textes courts tentent de résoudre le mystère et la fascination exercé par tout visage humain. Car notre face révèle ce que notre corps renferme dans sa facilité à se livrer constamment à l’autre. « Les visages appartiennent à qui les voit ; celui du vieillard est cette agonie qu’il nous faut vivre dès qu’il se montre. » Lorsque Haddad compare le visage du nourrisson à celui d’un vieillard, il voit dans les plissures de la naissance la préfiguration de la mort. La seconde partie de l’ouvrage, regroupant des photos commentées, est peut-être la plus réussie. La confrontation du texte et de l’image est souvent saisissante. Observant le visage d’un condamné à mort, l’écrivain déduit : « L’homme, en vérité, n’a pas de visage -le saint ou l’assassin, l’idiot ou le savant cachent leurs secrets sous n’importe quel faciès. Devant pareille tête en précaire équilibre on devine sans mal la clef vive des masques : tout ce qui nous distingue n’est que poudre et fard. »
Mirabilia regroupe dix nouvelles composées autour de la ville. Chaque fois, le lecteur est amené à quitter la réalité, à pousser plus loin son exploration pour atteindre ce qui se cache derrière. En effet, le recueil s’inscrit pleinement dans le projet métaphysique de l’écrivain : chercher à donner une juste appréhension de cette réalité qui s’échappe et vire sans cesse au rêve. Monde du cirque, de la peinture -on retrouve L’Ami argentin, longue nouvelle publiée en 1994 chez Dumerchez, motif très classique du revenant, qui subit ici un traitement nouveau -on propose au héros du Pont renversé d’être remplacé avant sa mort par un homme dont c’est le métier-, les textes sont symboliques et travaillent à l’actualisation des mythes. Dans Le Culte de Cybèle, la ville de Laon prend d’emblée une dimension magique, comme une porte ouverte à la rêverie du narrateur : « Avant d’aborder une ville ou n’importe quel espace inconnu de moi que mes activités ou les circonstances m’obligent à fréquenter plus d’un jour et une nuit, j’aime à m’engouffrer d’emblée dans le lieu clos qui me fera office de tanière et, quelques minutes, quelques heures parfois, m’allonger sur le lit, tous volets clos, les mains jointes derrière la nuque. Le monde extérieur à peine entrevu prend alors une profondeur vraiment dépaysante, comme inspirée de cette chambre obscure dont les bruits sourds et les senteurs évoquent une existence en creux d’amnésique : vivrais-je ici depuis toujours, dans la distraction d’échos légers comme les soupirs du sommeil ? »
L’Univers est de loin le texte le plus ambitieux des trois. Cet épais roman possède un mode de fonctionnement qui suit l’ordre alphabétique. Hubert Haddad y révèle son désir de pratiquer un art total, de mêler les genres littéraires en vue d’approcher la vérité au plus près. Un homme est retrouvé sur le rivage. Souffrant d’amnésie, il tente de faire surgir son passé en rédigeant un dictionnaire. L’Univers est le résultat de son travail. On progresse dans la vie de cet homme en suivant sa tentative de maîtriser à nouveau les mots, d’y traquer les éléments de sa mémoire défaillante. Fascinant par sa forme, le projet d’écriture révèle les bribes de vie du narrateur qui découvre son passé en même temps que le lecteur. Ces moments forment parfois de courtes nouvelles et mettent au jour une existence partie en lambeaux. Le naufragé était un astronome doué, un passionné de cosmos. Au cours de sa vie, il a cherché des réponses à ses questions dans le ciel. De nombreux articles du dictionnaire découlent de sa passion et se livrent sous forme de considérations scientifiques. C’est dans ces moments que le roman semble le moins réussi. En effet, si certaines entrées du dictionnaire comportent de belles fulgurances poétiques, comme à l’article Femme : « L’univers est la vulve ouverte d’une déesse. J’ai passé des années la tête entre ses cuisses » un peu plus haut, l’entrée consacrée à la Fantaisie reste plus difficile à décoder : « Aucun logicien spécialiste du hasard n’a vraiment pris en compte la notion d’analogie -ou si l’on préfère de coïncidence par amalgame de séries de probabilités- qui fonctionne par transversalité ellipsoïdale comme si existait une syntaxe invisible entre les événements, doublée d’un champ hautement intentionnel au large spectre qui eût des vertus magnétiques de cohésion par polarisation isométrique ». Un nombre incalculable de termes obscurs empêchent de plonger réellement au cœur de la vie du rescapé dont l’histoire personnelle contient de multiples événements. Hubert Haddad assume la tentation scientifique et place côte à côte la théorie et la fiction. Progressivement, le lecteur est tenté de renoncer, de laisser l’écrivain seul dans sa rêverie. Car si la cohérence de sa démarche est indéniable, L’Univers procède trop souvent, peut-être, à l’évacuation de son lecteur.

L’Univers et
Du visage et autres abîmes
de Hubert Haddad
Zulma, 400 et 128 pages, 140 et 49 FF

Mirabilia
de Hubert Haddad
Fayard, 272 pages, 110 FF

De l’autre côté du miroir Par Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°28 , octobre 1999.
LMDA PDF n°28
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