Dans sa catégorie, La Complainte des enfants frivoles occupe une place particulière. En effet, si ce texte, composé en Allemagne aux alentours de 1925, est le premier roman d’Alexandre Vialatte, le manuscrit, d’abord négligé par l’auteur avant d’être égaré par l’éditeur, a mis les trois quarts d’un siècle pour se changer en livre. Le texte vient donc, contre sa nature, compléter une œuvre existante. Aussi cette Complainte des enfants frivoles changera-t-elle un paysage déjà connu. D’autant qu’elle contient des situations et des personnages qu’on retrouvera un peu plus tard, dans d’autres écrits de Vialatte. La fin de l’enfance, l’adolescence suivie jusqu’au baccalauréat, vécue dans un vieux collège d’Auvergne. Un ton unique investit le roman, une nostalgie de l’âge de tous les commencements qui pousse le lecteur à s’égarer avec le narrateur dans le souvenir. Le récit est soutenu par des phrases ciselées qui glissent jusqu’à l’oreille et vous somment de vous arrêter un moment : « (…) on allait s’asseoir devant un paysage décourageant » ou un peu plus loin « La lanterne faisait un trou dans la nuit, le cheval fumait comme une lessive. » L’exactitude des images force souvent l’admiration. La beauté de ce roman tient en un seul paradoxe : le récit s’inscrit dans une forme peu commune qui allie la gravité à la fantaisie, comme le suggère le titre. Les deux visages du texte agissent comme moteur de lecture et progressivement on s’attache aux odeurs de craie et de préau, aux malaises existentiels des jeunes personnages. La Complainte des enfants frivoles affiche ses soixante-quinze ans sans complexes et procure un beau plaisir de lecture.
La Complainte des enfants
frivoles
Alexandre Vialatte
Le Dilettante
256 pages, 99 FF
Domaine français Vialatte premières
janvier 2000 | Le Matricule des Anges n°29
| par
Benoît Broyart
Un livre
Vialatte premières
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°29
, janvier 2000.