Le Psychanalyste s’ouvre par une conférence sur Kafka, se prolonge par le meurtre d’un proxénète, se poursuit par de courtes séances de psychanalyse, nous fait visiter la banlieue, s’en prend aux bus et surtout révèle combien la lecture de l’auteur de La Métamorphose peut changer une vie. Composé de courts chapitres, ce nouveau roman de Leslie Kaplan prouve, s’il en était besoin, que l’intelligence et le plaisir vont de pair. Tout commence donc par cette conférence sur Kafka qui provoque la rencontre (amoureuse) de la narratrice avec Simon, le psychanalyste-conférencier, et la rencontre (conflictuelle) de ce dernier avec Eva, jeune révoltée qui vit en banlieue avec son amie et qui vient de découvrir l’écrivain praguois. Eva ne supporte pas qu’on vienne lui expliquer quoi que ce soit du haut d’une chaire, Simon ne supporte pas que cette jolie fille quitte ainsi la salle de conférence. D’autant que les journaux, peu après, parleront d’elle : elle a tué le proxénète de sa petite amie. Le roman va se construire autour du problème de l’identité : qui est Eva ? Qui sont, pour eux-mêmes, les patients de Simon ? Qui sont les gens qui vivent en banlieue (et parfois, pour le lecteur : qui est la narratrice ?). Chacun pourra probablement trouver les réponses à ces questions en lisant Kafka, dont la figure, avec celle de Freud ou d’Anna Arendt, plane sur tout le livre. Le Psychanalyste est un roman plein d’entrain, pétillant, intelligent et attentif. Mieux, c’est un livre qui éveille.
Quel rôle joue la figure de Kafka dans Le Psychanalyste et comment en êtes-vous venue à bâtir un roman autour de son œuvre ?
Il y a beaucoup de raisons à cela. Je voulais qu’il y ait des livres, que la lecture d’un auteur soit un événement essentiel du livre. D’un côté, la psychanalyse, de l’autre quelqu’un qui lirait. C’est venu dès le début. Il y a quelque chose qui a à voir avec l’inconscient et avec la force et les effets du langage chez Kafka. C’est un auteur que l’on peut lire, comme ça, en banlieue. « J’ai lu La Métamorphose, ça a changé ma vie. » C’est une phrase qu’on peut entendre. Ensuite, ça me plaisait de commencer un roman par un psychanalyste qui parle de Kafka. Je voulais ce départ « théorique ». C’est un livre où tout peut entrer : la critique d’un film, les séances de psychanalyse, etc.
Eva lit Kafka à sa façon, où il peut y avoir des contresens. La lecture de Kafka fait partie de sa vie. Pour ça Kafka est idéal. Comme il est branché en direct sur l’inconscient, Eva fait son propre « travail ».
La position de la narratrice est ambiguë : elle est témoin et omnisciente en même temps. Est-elle la passerelle entre ce qui serait du fait réel et ce qui serait de la fiction ?
Elle apparaît, elle disparaît. Je voulais qu’elle soit là, qu’il y ait du « je » dans le livre. Témoin, elle ne l’est pas quand il s’agit de rapporter les séances de psychanalyse. Je ne pense pas que Simon les lui raconte. On peut avoir quelque chose...
Entretiens Kafka sur le divan
janvier 2000 | Le Matricule des Anges n°29
| par
Thierry Guichard
Leslie Kaplan nous livre un roman à la fois grave et joyeux, où l’intelligence et le désir de connaissance libèrent l’humain.Loin de tout déterminisme.
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