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Histoire littéraire Le rêveur de livres

mars 2000 | Le Matricule des Anges n°30 | par Éric Dussert

Spécialiste de l’histoire littéraire du XIXe siècle, René Fayt consacre une monographie attendue à Alfred Delvau, Parisien touche-à-tout et bohème.

Un aimable faubourien, Alfred Delvau, 1825-1867

Dans la grande tradition des bibliothécaires érudits, le Belge René Fayt recherche, collectionne et analyse toute information liée à son sujet de prédilection : l’histoire littéraire et éditoriale du XIXe siècle. Il est notoire que ces activités menées de front conduisent à produire des livres mais aussi à en entasser un peu partout. Entre sa naissance en juin 1939 à Berchem Sainte-Agathe dans la grande banlieue de Bruxelles et sa prise de fonction comme bibliothécaire de l’Université libre de la capitale belge en 1963, René Fayt avait déjà entamé ce lent travail d’accumulation. Les bouquins ont occupé d’abord tous les recoins de sa demeure puis les abords de son lieu de travail. Parallèlement, ses travaux ont débouché sur la publication de bibliographies, d’articles dans Le Thyrse, Le Livre et l’Estampe ou Marginales dont il a été l’administrateur, et d’essais tels que son A. Poulet-Malassis à Bruxelles (1994).
C’est à Alfred Delvau (1825-1867) que René Fayt s’intéresse à présent. Un ami méconnu de Poulet-Malassis, fréquenté par de trop rares lecteurs pour ses ouvrages « parisiens » et ses compilations argotiques. Fils du Paris industrieux, Delvau fut le bohème-type, mercenaire des lettres, infatigable créateur de petits journaux, un polygraphe prolifique par nécessité, mystificateur par plaisir et plagiaire par mégarde. Il faut bien vivre. Un aimable faubourien répare une réelle lacune en proposant un aperçu du parcours de ce « plongeur dans l’océan parisien » qui fut à plusieurs reprises menacé de la « prison de Damoclès ». S’y dessine un proche de Ledru-Rollin et de Jules Vallès, le promoteur du graveur Félicien Rops (le fameux illustrateur des Fleurs du mal) tandis que ses lettres au poète lyonnais Joséphin Soulary ou à Poulet-Malassis trahissent un bel épistolier mais un homme qui a vécu sur la brèche.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à Delvau ?
J’écris d’abord pour éclairer ma lanterne. Dans le cas présent pour me raconter cet Alfred Delvau qui m’a longtemps intrigué. Ses liens privilégiés avec mon compatriote Félicien Rops m’intéressaient. Les biographes de ce dernier étant silencieux à cet égard, j’ai creusé pour découvrir que Delvau est en fait le véritable découvreur de Rops à Paris ! Ce n’est pas son moindre mérite.
Quels personnages côtoyait-il ?
Il fréquentait une autre personnalité fascinante, l’éditeur Auguste Poulet-Malassis, l’ami de Baudelaire. Je soupçonnais une grande connivence entre les deux hommes, notamment dans le domaine des éditions clandestines confectionnées par Poulet durant son exil à Bruxelles. Malgré mes recherches, il reste des zones d’ombre sur leurs relations. J’imagine que Delvau a dû sérieusement « turbiner » pour Poulet, mais pour quelles éditions ? La découverte des lettres inédites dudit Delvau au cher Poulet que je donne dans ce livre m’a mis le pied à l’encrier.
La personnalité de Delvau est riche. Comment expliquez-vous que votre livre soit le premier à son sujet ?
Deux essais malheureux ont eu lieu au XIXe siècle. Je crois que le sujet manquait encore de relief. Au XXe, Delvau avait disparu des esprits et du marché. La plupart de ses livres étaient devenus introuvables car leur tirage avait été confidentiel : trois cents exemplaires pour le Dictionnaire érotique qui fut saisi de plus et détruit en partie dès sa sortie. Seuls quelques bibliophiles se disputaient à prix d’or ses ouvrages illustrés par Rops. Dès le début de sa carrière, Delvau avait eu le flair de faire illustrer ses livres par des artistes, parfois de grands maîtres comme Courbet. En revanche, le petit historien du petit Paris était complètement mort. Depuis quinze ans, on s’intéresse à nouveau au fascinant XIXe siècle, à ses grands artistes et à ses petits auteurs.
Quelles sont les particularités du parcours de Delvau ?
Il a eu une vie très simple, lisse comme la paume de la main en dehors de sa jeunesse révolutionnaire en 1848 qu’il a fort tue et dont il n’était pas plus fier que ça. Il avait le cœur à gauche mais sans grande conviction, contrairement à Poulet-Malassis. C’était plutôt un esthète et surtout un déçu. En tout cas, il n’était pas un créateur, tout au plus un petit chroniqueur, un besogneux qui a cherché sa vie durant de quoi se sustenter. Sans le vouloir, il a réalisé quelques petits chefs-d’œuvre, du moins à mes yeux.
Quels sont ces ouvrages ?
D’abord ses ouvrages utiles, le Dictionnaire érotique et celui de la langue verte qui peuvent rendre de signalés services. Ensuite ses relations du Paris « du-dessous » : Les Cythères parisiennes sur les bals et autres établissements de réjouissance, l’Histoire anecdotique des cafés et cabarets de Paris, Les Dessous de Paris consacrés aux petits métiers et curiosités. Le tout forme un ensemble intéressant sur la vie nocturne du Second empire auquel on peut ajouter Les Lions du jour, documentaire léger mais précieux sur les personnalités du moment, et puis ses livres d’affection que sont la petite biographie qu’il a consacrée à Henry Murger et son Nerval « vu par quelqu’un qui l’a connu ». Enfin, pour le sentiment, Au bord de la Bièvre où il peint les lieux de son enfance. Il y a chez Delvau un air agréable à respirer, léger, gai, guilleret, « parisien » peut-être. Son style est agréable et alerte, parfois un peu recherché et même désuet. C’est un chroniqueur bien informé et peu pressé qui trempe le bec de sa plume dans l’encrier d’un poète et les rémiges dans la palette d’un peintre impressionniste. C’était un triste mais un charmeur !
Quels sujets allez-vous aborder maintenant ?
Je termine un article sur Hector France, un petit auteur naturaliste de l’écurie de l’éditeur Kistemaeckers. Ce dernier est mon éditeur préféré et mon dada de longue date. Je mets la dernière main à une biographie et une bibliographie de Vital Puissant, autre éditeur clandestin ayant œuvré à Bruxelles durant la seconde moitié du XIXe. Et puis j’ai entamé une brève reconstitution de la vie de Paul Gérardy, petit poète belge mais puissant pamphlétaire. Enfin une longue bio-bibliographie de Jules et Jean Gay, des éditeurs parisiens qui, installés à Bruxelles, y ont publié des petites choses sous le manteau… eux aussi.

Un aimable faubourien,
Alfred Delvau, 1825-1867
René Fayt

Emile Van Balberghe Librairie
4, rue Vautier,1050 Bruxelles
210 pages, 160 FF

Le rêveur de livres Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°30 , mars 2000.