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Domaine français Partage du plaisir

juillet 2000 | Le Matricule des Anges n°31 | par Jérôme Pellissier

Réédition du superbe livre de Jacques Chauviré, Partage de la soif qui diagnostique, à la mode romanesque, les maladies de notre société.

Remercions Le Dilettante d’avoir laissé quelques semaines l’édition d’œuvres contemporaines pour nous offrir la réédition de Partage de la soif, superbe roman paru en 1958 aux éditions Gallimard grâce à la lecture enthousiaste d’Albert Camus. S’y dévoile grâce à une écriture impeccablement maîtrisée un univers par moments proche de celui de ce célèbre lecteur, un univers où le voile grisâtre qui brouille la vision des hommes et des paysages mène Desportes, le personnage principal, comme le narrateur de L’Étranger, vers l’irréalité. Ce n’est pas la moindre réussite de ce texte que de parvenir à maintenir l’équilibre entre le monde intérieur de Desportes, engagé comme médecin dans une usine et le réalisme de la vie ouvrière qu’il découvre -décrite avec une sobriété qui d’elle-même se transmue en une forme épurée de lyrisme, donnant à voir avec justesse les ateliers, le travail à la chaîne, la manière dont se matérialisent les hommes et dont prennent vie les matériaux et les machines, rendant au fur et à mesure plus ténue la distinction entre les deux.
Hors l’usine, le monde de Desportes subit la froideur de son épouse, femme engluée dans le quotidien et la bêtise de ses beaux-parents, couple de la petite bourgeoisie industrielle -belle-mère ne supportant pas que sa fille vive avec un être qu’elle perçoit comme un raté, beau-père refusant toute réflexion qui risquerait de l’emmener vers des paysages intellectuels inexplorés et dangereux- paysages marqués par la peur du communisme. Pas de pensée indépendante, pas de pensée libre. Les autres ne cessent, par leurs regards, de placer Desportes dans un camp : camp « normal » des patrons (celui du beau-père, celui de Cahuzac, le directeur de cette usine, hommes auxquels la guerre puis la Libération ont permis de s’enrichir) ou camp « inquiétant » des prolétaires communistes. En se contentant de rapporter ces dialogues où affleure la crainte, Chauviré nous en dit plus long sur la manière dont étaient vécus, dans la réalité sociale, quelques-uns des débats des années 50-60 que bien des articles des Temps Modernes.
Sans jamais tomber dans la thèse ni l’essai, le roman dresse l’admirable tableau d’un prolétariat où se distinguent trois figures importantes : Frédénucci, le syndicaliste avide d’un peu de pouvoir patronal ; Manuel, ancien résistant espagnol, nostalgique du combat inachevé contre les franquistes, concevant son appartenance au monde ouvrier comme une ascèse ; Nathalie enfin, la secrétaire de Cahuzac, représentative du grand nombre de ceux qui se taisent et supportent, sans se plaindre ni se révolter.
Entre eux tous, Desportes cherche le sens. Sens absent des grèves des ouvriers comme des dominations des patrons. Sens absent d’un amour qui s’apparente au besoin, qui ne supporte pas le silence essentiel. Sens également absent de la médecine qu’il exerce et qui le fera sauver un ouvrier intoxiqué par du gaz au fond de la cuve d’un atelier. Sens finalement donné par Manuel, auquel Desportes laisse croire que cette guérison accomplie suffit à justifier le vivre. Partage de la soif, partage du désir dans un univers qui noie le désir sous l’absence d’assouvissement possible. À lire d’autant plus nécessairement qu’on voudrait désormais nous faire croire que les désirs sont toujours, dans notre société marchande, facilement assouvis.

Jacques Chauviré
Partage de la soif

Le Dilettante
222 pages, 99 FF

Partage du plaisir Par Jérôme Pellissier
Le Matricule des Anges n°31 , juillet 2000.
LMDA PDF n°31
4,00