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Poches Appel à la révolte

juillet 2000 | Le Matricule des Anges n°31 | par Anne Riera

Outre-Atlantique, on les appelle pudiquement les "Américains d’origine", eux préfèrent les "Peaux-Rouges". Qu’est-ce qu’un Indien ? Réponse sous forme de roman.

Les Indiens sont sortis des franges grises dans lesquelles les cantonnait l’Amérique moderne ; ils ont pris la parole, empoigné l’écriture, la langue à bras le corps pour jeter à la figure de leurs lecteurs des romans dévastés par la colère et le désespoir.
Sherman Alexie est de ceux-là. Si son premier roman, Indian Blues, pouvait encore amuser en revisitant un rêve américain mâtiné de road-movies, tout tragi-comique a résolument déserté Indian Killer. Dès sa naissance, John Smith est retiré à sa jeune mère de quatorze ans. Adopté par une jolie, aisée et blonde famille de Seattle, il grandit dans un douloureux entre-mondes. Ignoré des Blancs, étranger aux Indiens, il ne possède « pas de définition pour ce qu’il était ». On lui a tout volé, sa mère, sa vie, son identité et ses combats. John Smith est perdu de solitude, un Indien sans tribu, un « guerrier de cinéma (…) Son visage était son masque ».
Parce que le crime historique se double ici d’une incommensurable forfaiture, « il pensa à la beauté des mythes et au pouvoir des mensonges, à la façon dont les mythes devenaient trop souvent des mensonges et à la façon dont les mensonges trop souvent racontés devenaient des mythes ».
Les Indiens sont à la mode. L’édition, le cinéma s’en sont entichés, les ont remodelés, redéfinis une fois pour toutes et au nom de tous. L’université même perpétue ce vol puisque aujourd’hui encore ce sont des Blancs qui enseignent la littérature indienne à partir de sources écrites et compilées par d’autres Blancs. Qu’est-ce qu’un Indien ? Eux seuls ont le droit et le pouvoir de le dire qui reprochent au lumineux personnage de Marie, une jeune étudiante sortie de la réserve spokane sa violence, qui lui reprochent de ne pas ressembler au vieux sage à tresses qu’ils se sont fabriqués, goûtant passivement la beauté des paysages depuis son tipie. « Pour elle, être indien se résumait surtout à une question de survie, et elle s’était à ce point battue pour survivre qu’elle ne savait pas si elle serait un jour capable d’arrêter. »
La juste colère de Sherman Alexie va droit au but. Si elle a parfois les défauts de ses qualités en se montrant un peu trop didactique, jamais cependant elle n’est manichéenne. Cet Indien de 33 ans pose une question, une seule : qu’est-ce qu’être indien ? Et cette question à elle seule résume tout le désespoir d’un peuple, dévoile le hold-up terrible dont il a été victime. Au cœur de la blanche Seattle, un serial-killer frappe. Il scalpe des Blancs, contemple la peur qui lentement sourd de leurs yeux bleus. Vengeur masqué ou psychopathe, Sherman Alexie ne tranche pas. « On ne sait trop comment, mais vers la fin du xxe siècle, les Indiens étaient devenus invisibles, dociles. Homme invisible pour qui chantes-tu ? » Par delà les communautés et traversant le temps, Sherman Alexie tend la main à l’écrivain noir-américain Ralph Ellison et à tous ceux qui luttent encore pour leur reconnaissance aux États-Unis. Dans un dernier sursaut, il rappelle les siens à la révolte, réveille les morts, convoque Crazy Horse, Geronimo et Sitting Bull. Avant qu’il ne soit trop tard. Parce que le peuple indien tout entier ne cesse de « de saigner, agonisant et se desséchant pour ne plus être qu’une cosse vide emportée par le vent du désert ».

Indian Killer
Sherman Alexie

Traduit de l’américain
par Michel Lederer
10/18
415 pages, 50 FF

Appel à la révolte Par Anne Riera
Le Matricule des Anges n°31 , juillet 2000.
LMDA PDF n°31
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