Le poète Paul Valet soutenait que « les grabataires voient le ciel à sa juste hauteur » et on sait par ailleurs depuis Faulkner qu’un idiot peut devenir un excellent porte-parole. Sans doute instruit par l’expérience de ses prédécesseurs, László Davasi (né en 1962 et, on l’aurait parié, « l’un des jeunes auteurs hongrois les plus prometteurs ») choisit comme protagonistes des deux meilleures nouvelles ici rassemblées un jeune homme cloué dans son fauteuil et un bûcheron quelque peu simple d’esprit. Magnifiques textes d’atmosphère ponctués d’éclairs poétiques pour le premier (Le Petit-fils de Koutouzov) : « J’aimais la lumière, quant à l’obscurité, elle me faisait toujours penser que Dieu était plus appliqué mais moins doué que le diable » et de réflexions frappées au coin d’un sens peu commun pour le second (Dans la montagne) : « Mais maintenant que mon père est mort, je crois que je dois m’abstenir de rire pendant un certain temps. » Présenté comme un choix effectué parmi trois recueils de textes, L’Orchestre le plus triste du monde s’apparente parfois à un catalogue des diverses manières de l’écrivain. Encourageons donc ce dernier aussi bien à poursuivre dans la veine de Kardos, le policier et Le Pardon, brèves fictions policières à la Karel Capek, qu’à s’abstenir des paraboles confuses (Les Carriers de Witemberg) et métaphores poussives (La Première Histoire). Pour peu qu’il s’émancipe de tel encombrant parrainage (Borges dans Judah ben Samuel Halevi) ou se garde de certains tics post-modernes (recours peu convaincant au mélange des genres et au collage dans le languissant Cléopas. Bande dessinée) László Davasi signe alors d’étranges fables qui possèdent le charme délétère des mauvais rêves (Les Rosiers de Veinhagen ou L’Étrange Histoire du monstre de Müttenheim).
L’Orchestre le plus triste
du monde
László Davasi
Traduit du hongrois par J.Dufeuilly, N. et C. Zaremba
Actes Sud
228 pages, 125 FF
Domaine étranger Hongrois rêver
juillet 2000 | Le Matricule des Anges n°31
| par
Eric Naulleau
Un livre
Hongrois rêver
Par
Eric Naulleau
Le Matricule des Anges n°31
, juillet 2000.