Trois courts romans réunis en un seul volume permettent de découvrir un auteur russe resté jusque-là inédit en français. Alexandre Chkliarevski (1837-1883) obtint dans son pays, lors de la publication de ses livres, un certain succès populaire. Il apparaît comme l’un des précurseurs du roman noir. Paul Lequesne le souligne dans sa postface, il est un « élève dissipé » d’Émile Gaboriau et un lecteur assidu de Dostoïevski. Cette filiation donne une idée de la tonalité singulière d’un auteur à la vie rythmée par l’alcoolisme. Il lui consacrera l’intégralité de ses revenus et s’éteindra dans le dénuement le plus total.
Trois enquêtes sont menées jusqu’à leur élucidation par un juge d’instruction. La personnalité de l’investigateur importe peu. Cet homme est un œil avant tout. Il conserve un anonymat relatif et progresse peu à peu dans la Russie de l’époque. L’enquêteur se dirige systématiquement vers le mécanisme qui pousse au crime. On obtient les récits de plusieurs personnages avant de parvenir à démêler des intrigues complexes. Le romancier cherche à cerner l’instant où l’individu vacille. Il parvient assez justement à décrypter cette perte de repères proche de la folie. Qu’il s’agisse d’une passion compromise ou de l’attrait du pouvoir et de l’argent, le coupable, chez Chkliarevski, est donc en partie une victime.
Si le dix-neuvième siècle nous est livré avec beaucoup de réalisme ici, une forte dose de détresse et de désespoir soutient l’ensemble, procurant au texte une teinte russe inimitable. Pour cette raison, on lit Alexandre Chkliarevski avec cette voracité qui va parfaitement au roman policier.
Enquête secrète
Alexandre Chkliarevski
Traduit du russe
par Paul Lequesne
L’Esprit des Péninsules
352 pages, 140 FF
Domaine étranger Les chemins du crime
juillet 2000 | Le Matricule des Anges n°31
| par
Benoît Broyart
Un livre
Les chemins du crime
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°31
, juillet 2000.