On attendait la réédition des souvenirs du chef de la bande des Hydropathes et cousin de Léon Bloy, Emile Goudeau (1849-1906) depuis bientôt deux ans. Les voici donc ces Dix ans de bohème (1888) dont Fénéon signalait les « mille anecdotes contées avec une communicative grosse bonne humeur méridionale ». Le livre constitue une source indispensable pour appréhender la génération des écrivains de 1870. Ce sont les Hydropathes, Zutistes, Hirsutes et autres Jemenfoutistes qui défilent, cohorte ébouriffée de peintres, musiciens, poètes maudits et futures stars en quête d’un auditoire. Allais, Richepin, Bourget et Cros ont participé aux soirées de Goudeau. Le cercle fut créé le 5 octobre 1878 au Quartier latin. Ses statuts donnent le ton : « Art. I. L’assemblée des hydropathes se compose de la sonnette du président Émile Goudeau. Art. II. La susdite sonnette est chargée de faire appliquer le présent décret. » Dès lors, le groupe des Hydropathes fit du bruit. « On pleura de tendresse, on exultait de joie ; on alla casser deux ou trois pianos, dans les brasseries ». Puis Rodolphe Salis les accueillit à Montmartre au Chat noir, heureux de pourvoir son établissement d’un lustre poétique et d’une ambiance « artistique ».
En 1901, Léon Riotor constatait dans Les Phalanstériens de Montmartre (Les Arts et les lettres, Lemerre), « L’histoire littéraire est composée de menus faits que nul ne songe à classer, formée de notes retrouvées un jour au fond de quelque tiroir poussiéreux. On s’étonne alors du chemin parcouru ou des tombes creusées, (…) de la réussite de tel obscur camarade alors qu’un mieux trempé, et qui semblait promettre longue course, a disparu sans rien produire (…) On demande où est le petit, le malingre, le rachitique ? De l’Académie française… Le grand, robuste, talentueux ? Mort ou épicier ». De même, la brillante édition de Dix ans de bohème fournie par Michel Golfier et Jean-Didier Wagneur met les destins en perspective à coup de notes de bas de page et de documents annexes. Avec le concours du limier Patrick Ramseyer, spécialiste hors pair de la recherche biographique qui a contribué au « dictionnaire des hydropathes » final, le volume est entré dans la catégorie des ouvrages de référence. Avec fracas, comme il se doit.
Dix ans de bohème
Émile Goudeau
et Les Hirsutes de Léo Trézenik
Champ Vallon
574 pages, 185 FF
Histoire littéraire Le livre des hydropotes
septembre 2000 | Le Matricule des Anges n°32
| par
Éric Dussert
Un livre
Le livre des hydropotes
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°32
, septembre 2000.