Dans Les Cendres de mon avenir, Éric Faye restitue la voix d’une jeune femme à la vie ordinaire, Solange Brillat, secrétaire dans un cabinet d’experts-comptables. Elle est confrontée en quelques jours à un mystère croissant : plusieurs appels téléphoniques sans interlocuteurs, un numéro inscrit sur l’écran du téléphone, un courrier contenant un article de journal la représentant enfant. Qui l’appelle ? Solange entreprend une investigation pour retrouver l’inconnu.
Depuis la parution du Général Solitude (Le Serpent à plumes) en 1995, Éric Faye décline et affirme un territoire de fiction dont les influences sont à chercher du côté de Kadaré ou de Kafka. Ici, nulle construction d’un autre monde pour faire surgir la dimension fantastique du texte. La réalité envoie ses propres signaux d’inquiétude à des personnages tournés vers eux-mêmes, à l’écart. Solange Brillat refuse d’appartenir au système. Elle est en contradiction avec une époque de compétition qui l’ennuie.
Les Cendres de mon avenir est, de tous les textes de Faye, celui qui laisse la plus grande place au quotidien. On reconnaît parfaitement Paris, certains cafés, des rues. L’écrivain est passé maître dans l’art exigeant de la manipulation. Il parvient à charger le réel de cohérences inédites pour encourager un questionnement sur le temps. Car la conscience du temps, pour l’humain, génère une peur inévitable. Une fissure s’élargit lentement au milieu du réel et l’univers de l’écrivain bascule sans qu’on s’en rende compte. Le fantastique ressemble ici à une maladie insidieuse. Faye distille les éléments de trouble un par un, s’appliquant à une contamination lente et irréversible. Sa technique narrative fonctionne parfaitement.
Les Cendres de mon avenir
Éric Faye
Stock
182 pages, 82 FF (12,50 €)
Domaine français Les couloirs du temps
septembre 2001 | Le Matricule des Anges n°36
| par
Benoît Broyart
Un livre
Les couloirs du temps
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°36
, septembre 2001.