De la culture des juifs d’Europe centrale, nous connaissions la démesure, le merveilleux, le mélancolique. En treize brèves nouvelles, Cyrille Fleischman nous offre une vision plus rétrécie, plus fermentée de quelques êtres, prisonniers volontaires de leurs propres vies, de Paris, de leur culture. Son huitième ouvrage exhale et exalte les habitudes sédimentées, l’odeur de chaussettes sales, la foi et l’humeur mauvaise, le ronchonnement, de petites gens pris dans de très banales tourmentes du quotidien. Partant de situations prosaïques, il induit in fine une réflexion métaphysique sur la destinée, le progrès, l’éternité, le temps qui passe. Le tout est lié par un humour à la sauce aigre-douce, féroce et tendre où les dialogues, les expressions engendrent de somptueuses pépites de parler populaire : « Faites ni un ex æquo, ni un eczéma, si c’est seulement pour me faire plaisir. » Parfois, le fantastique s’insinue à travers l’accumulation de trop de réel. Dans Le Retour de Lilka, Fleischman décrit une magnifique chanteuse qui, « avec son charme et son piment unique » faisait oublier son corps immense. Ne l’acceptant plus, elle devient invisible. Chaque nouvelle à l’instar d’une fable se termine par une petite formule, un condensé d’humour, voire une morale : « Magnifique Lilka qui, en artiste populaire, avait le pouvoir de faire aimer le monde presque tel qu’il était, même si au fond, elle l’aurait peut-être préféré certains jours un peu autrement. » Tout le talent de Cyrille Fleischman réside dans la manière dont il traite, grossit les travers du petit peuple yiddish de Paris, boutiquiers, employés, retraités, afin de magnifier une façon singulière d’être humain.
Balades d’été, bals d’hiver
Cyrille Fleischman
Le Castor Astral
126 pages, 12 € (78,72 FF)
Domaine français Rires et remugles
décembre 2001 | Le Matricule des Anges n°37
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Rires et remugles
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°37
, décembre 2001.