Simultanément, Dominique Rolin publie deux textes d’une surprenante complémentarité : un roman, Le Futur immédiat, et un livre d’entretiens avec Patricia Boyer de Latour, Plaisirs. Ce dernier procède par thèmes, cependant que le roman apparaît davantage comme une méditation sur ce qui pousse un être à avancer, à trouver en soi l’énergie de ses projets. Ces textes parallèles disent l’univers d’un écrivain qui se raconte en dévoilant ses idées sur ce qui l’a toujours fait se projeter dans l’avenir et l’aide à mettre entre parenthèses -autant que cela se peut- l’idée de la mort.
Le Futur immédiat a le plus vaste des sujets : le temps d’une vie. En fait, ce qui nous est exposé en douceur, ce sont les accommodements de l’auteur avec le temps qui passe. On balance entre les misères de l’âge et tout ce qu’un être comme elle possède de ressources pour se défendre. Disons-le d’emblée : elle n’est jamais seule. Ou, plutôt : même seule, elle ne l’est pas. Elle lit. Elle écrit. Loin des mondanités, elle dispose d’une mémoire, d’un tissu de relations approfondies, des réserves tirées d’une riche existence. Pour autant, elle ne se satisfait jamais du passé. À ses côtés, même quand il est ailleurs, elle a Jim, l’amour de sa vie, tendre, généreux et qu’elle admire. Un écrivain qui a commencé à publier dans les années 60 alors que Dominique Rolin, on notera dans Plaisirs qu’elle insiste sur cet élément, a fait paraître Les Marais dès 1943.
On la saisit dans la période où elle écrit. Parfois, elle doit renoncer à un voyage ou à une promenade, mais il lui reste les rendez-vous d’amoureux, les soirées à deux. La conversation intime reprend, avec ces communions : la musique, et en particulier Mozart, un vieux bordeaux, les livres. Si l’écrivain qui lui donne son affection et lui apporte l’air extérieur n’était pas nommé, il n’est pas sûr que l’on reconnaîtrait Philippe Sollers sous les traits de Jim.
Cette relation ancienne et confiante est aussi la meilleure sécurisation. Ce couple sans cohabitation, qui longtemps s’est voulu anonyme, plus encore que discret, à Venise, Dominique Rolin, pudique, sait le raconter sans surcroît de détails, mais sans aucune froideur. À travers quelques livres, pourra-t-il, après Sartre et Beauvoir ou Aragon et Elsa, devenir emblématique au seuil du XXIe siècle ? Est-il souhaitable de prendre à la lettre de tels récits quand on a vu la part de leurre que comportaient pour le lecteur naïf ces deux histoires ?
Plaisirs chercherait à dire comment Dominique Rolin est parvenue à se détacher de la jalousie, du besoin de cohabitation. Ou encore comment elle a gagné suffisamment de confiance en soi. Tout partirait d’une idée -contestable- de prédestination. Il y aurait en elle l’idée d’une heureuse nature dont le rire serait l’expression première… Il y a aussi l’idée que l’on apprécie une personne sur son physique, que l’on se fait très vite une idée d’une personne que l’on rencontre, que chacun se résume alors à son apparence.
Racontant son histoire, décrivant son fonctionnement, Dominique Rolin dit son rapport au monde. On passe de la religion à la télévision (de belles pages), mais on est toujours, pour l’essentiel, dans la logique d’une vie.
Dominique Rolin
Le Futur immédiat
128 pages, 12,50 € (82 FF)
Plaisirs
224 pages, 15 € (98,39 FF)
Gallimard
Domaine français La logique d’une vie
mars 2002 | Le Matricule des Anges n°38
| par
Jacques Goulet
Seule ou en dialoguant, Dominique Rolin se raconte et cherche à comprendre ce qui l’a poussée à écrire et ce qui lui fait aimer la vie. Une parole en toute intimité.
Des livres
La logique d’une vie
Par
Jacques Goulet
Le Matricule des Anges n°38
, mars 2002.