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Domaine français Le fer de la culpabilité

septembre 2002 | Le Matricule des Anges n°40 | par Pascal Paillardet

Mathieu Belezi n’accorde dans Je vole aucun espoir de révolte à un homme impuissant à relever les poings. Portrait sans pitié d’un emmuré de l’existence.

Moustiques de Chateaubriand

Écarter les bras et battre des ailes. S’arracher aux dunes de sable, s’envoler dans le grenier de la terre rapetissée. Dans l’horizon ouvert, glisser lentement dans le bleu du ciel. Comme pour se chercher une respiration. Et puis retomber sur la plage à la fin du jeu, s’aérer les poumons à grands jets de Ventoline. Ancien expert-comptable au chômage, insomniaque et asthmatique (« De l’asthme de circonstance, de l’asthme émotionnel »), le narrateur de Je vole s’enfuit le dimanche. Ce jour-là, ce père sporadique échappe aux murs de son appartement, au dixième étage d’un immeuble de la Cité des Oliviers, et s’engouffre avec sa fille dans l’appel d’air des cormorans. Le quadragénaire s’accroche à ce divertissement d’enfant, volète dans le sillage de la « robe en queue d’hirondelle » de la fillette, cette unique présence qu’il doit céder le soir à son ex-femme. Voler, même pour de faux. « C’est une façon comme une autre de fuir l’ici-bas ». Dans une ville portuaire cernée par la garrigue et les broussailles, cet emmuré ne se dérobe aux humiliations du quotidien que dans le moulinet de ses bras, simulacre d’une liberté conquise. « La terre n’est pas mon fort, on l’aura compris. Trop d’obstacles contondants ».
Plus qu’un être désespéré en révolte, Mathieu Belezi décrit sans complaisance un homme domestiqué, apeuré et docile. Il ne laisse aucune chance à ce rôdeur de l’existence, et c’est la singularité de ce récit sans pitié qui ne s’enclenche que dans la rupture : une séparation, une démission, un dernier mois d’allocation chômage. S’il lui accorde la parenthèse d’un emploi, un répit dans les bras d’une compagne, lors d’une « mascarade » affective avec l’inerte Martine qui réveille l’illusion de l’« accessibilité » d’un corps de femme, ces bienfaits ne sont que des cache-misère. Si Mathieu Belezi permet à son personnage de se ragaillardir, c’est pour mieux le condamner, quelques pages plus loin, un dimanche de Pâques plus tard, à un inévitable retour dans l’obscurité.
Après Le Petit Roi (1999) et Les Solitaires (2000), Je vole est le troisième roman publié sous pseudonyme par l’écrivain Gérard-Martial Princeau -auteur de quatre romans édités sous son vrai nom depuis 1988, dont Le Ravin (Mercure de France, 1996). Grave et sombre, Je vole insiste sur la culpabilité des victimes. « Le courage ne vient pas aux hommes de mon espèce », dit le narrateur, au tempérament abusé par une éducation « catholico-perverse » et les leçons de servilité de son grand-père. Ce sentiment de culpabilité est peut-être la grande affaire de ce roman magnifique, tout comme il ronge la conscience de Ben Fairchild, rencontré dans la nouvelle Moustiques de Chateaubriand, également publiée par Mathieu Belezi. Sans dévoiler la fin de ce bref et brillant récit, des similitudes rapprochent l’homme solitaire de Je vole de Ben Fairchild, vieil écrivain de Louisiane désœuvré, impuissant à se « débrouiller avec la solitude ». Et qui concède, lui aussi : « Je ne sais pas pourquoi je ne me suis jamais révolté contre l’éducation que m’a donnée ce père, je ne sais pas pourquoi j’obéissais à ce qu’il voulait que je fusse ». L’aveu d’une impossible désobéissance.

Mathieu Belezi
Je vole
202 pages, 15
Moustiques
de Chateaubriand

74 pages, 7,50
Le Rocher

Le fer de la culpabilité Par Pascal Paillardet
Le Matricule des Anges n°40 , septembre 2002.
LMDA PDF n°40
4,00