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Domaine étranger Miami Hell

septembre 2002 | Le Matricule des Anges n°40 | par Dominique Aussenac

Violente, lucide, désespérée, le Cubain exilé Guillermo Rosales propose une descente aux enfers au pays de l’Oncle Sam. Mon ange est un livre de souffrances.

Un suicide s’explique-t-il ? Guillermo Rosales (La Havane 1946-Miami 1993) était-il avant tout un exilé de l’intérieur, mal sous toutes les latitudes, un border-line qui a toujours craché dans la soupe, même sur les mains tendues ? Dans leurs œuvres Reinaldo Areinas et Carlo Victoria le présenteraient plutôt comme un ami singulier, génial à en être fou. En écrivant Mon ange (seul roman paru de son vivant, le second l’a été à titre posthume), Rosales pensait-il déclencher une telle polémique, être récupéré par les deux camps pour pouvoir étayer leurs critiques mutuelles ? L’histoire de sa publication fut rocambolesque, diffusé sous le manteau à Cuba où il était interdit, il fit grincer maintes dentitions du côté de Miami. Et pour cause, en partie autobiographique, le sulfureux roman présente la sémillante ville de Floride comme un enfer particulier. Un enfer clean, clinique, friqué, policé en surface, mais qui abrite des trous noirs effrayants, où l’on parque les plus démunis, où on les livre à la loi du plus fort voire du plus fou. Un écrivain cubain, William Figueras, refusant d’entrer dans le moule confortablement libéral et conformiste de l’exil yankee, est interné, dans une espèce de pension des plus sordides, un boarding home privé. « C’était un de ces refuges marginaux où aboutissent les gens que la vie a condamnés. Des fous pour la plupart. Mais aussi des vieillards que leurs familles abandonnent pour qu’ils meurent de solitude et n’empoisonnent plus la vie des triomphateurs. »
Dans ce mouroir, répugnant de saleté, qu’exploite avec une rare cupidité un bourgeois passionné de pêche sous-marine, Figueras, lecteur de Proust, Hesse, Joyce, Miller et Mann sera tenaillé entre le désir de restituer un peu d’humanité et celui plus sadique de rajouter plus de souffrance à la souffrance n’hésitant pas à rosser certains pensionnaires, imposant un étrange rituel à sa partenaire, la pénétrant, puis essayant de l’étrangler. Spirale sans fin, que seul l’amour pourra interrompre. Un amour fou, libérateur pour la plus fragile des pensionnaires. Mais ici pas de happy-end, l’enfer qu’il soit castriste ou capitaliste a rarement d’issue.
Ce petit ouvrage où se succèdent images de l’effroi, de la folie, de la vieillesse et espoir pathétique, pureté des sentiments palpite d’une rare intensité, brûle, corrompt, met mal à l’aise. De dialogues vifs, cinglants aux différents registres de langue (argot, langage courtois, articles de journaux, pidgin) « -Dans quelle école de psychiatrie as-tu étudié ? -Dans aucune. Moi, ce que je connais, c’est la psychologie de la rue. Alors je te répète que toi, oui, toi ! tu n’es pas fou. Tiens, prends cette cigarette et brûle-toi la langue. » en descriptions dantesques ponctués d’extraits de poèmes (Lord Byron, Nietzsche, William Blake…) Rosales dépeint une sombre galerie de portraits, une cour des miracles avec un côté presque flamboyant, sans être franchement baroque car ici pas de trompe-l’œil, pas de fioritures, pas de mise en scène, rien que de la souffrance et quelques mots incisifs pour la dire.
Si la poésie et la littérature ont permis à Figueras de surnager, voire de se réhumaniser en recréant des liens avec son psychiatre, elles ne le sauveront jamais. Est-ce leurs buts ? En espérant toutefois que si elles ont pu aider son héros à survivre, elles aient pu aider Guillermo Rosales à mourir plutôt dignement.

Mon ange
Guillermo Rosales
Traduit du cubain
par Liliane Hasson
Actes Sud
127 pages, 12,90

Miami Hell Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°40 , septembre 2002.
LMDA PDF n°40
4,00