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Domaine français Le Livre fragmenté

novembre 2002 | Le Matricule des Anges n°41 | par Marc Blanchet

Début d’une somme baptisée Dernier royaume, les trois volumes de Pascal Quignard interrogent jusqu’à l’obsession l’art, le sexe, la mort, le "jadis" et la mémoire.

Les Ombres errantes

Dans une période où, pour plaire, l’érudition se présente toujours vêtue de ses plus beaux habits, on s’étonnera de l’incroyable popularité de Pascal Quignard. Il est bon de rappeler que l’écriture de cet homme résolument athée, et dont la connaissance est comme pieds et poings liés avec le monde latin et asiatique, est loin d’être séduisante. Ces trois nouvelles parutions, qui appartiennent à un cycle intitulé Dernier royaume que l’auteur souhaite mener jusqu’à sa mort, le prouvent. Il s’agit, comme dans les Petits traités, de fragments, qui, rassemblés, font le Livre. À la différence de ce cycle, on peut dire que l’écriture de Quignard a gagné en simplicité. La présence du conte, qu’il soit raconté ou inventé, inspire aussi cette écriture dans sa franchise. Quoiqu’ici en termes de simplicité, il faudrait préciser qu’il s’agit davantage de la formulation que du contenu. L’écriture de Quignard reste austère mais l’interrogation en cours nous touche souvent par une urgence, une forme de sincérité discrète qui contrebalance sa rudesse. La pensée de l’auteur, quel que soit son sujet, est une pensée obsessionnelle. Quignard va jusqu’au bout d’un raisonnement, d’une interrogation. Il formule, reformule, puis choisit un autre angle et à nouveau précise une pensée, dont la première nature est bien de ne jamais se satisfaire de vérités. Le lecteur doit alors prendre son temps, et laisser de côté son envie de conclusion : ici, on ne conclut pas, on pense, avec une grande défiance devant les comparaisons ou les images. La mort accompagne chaque pas de cette pensée. Elle cimente l’écriture, le vide entre les phrases, comme elle est le plomb de chaque lettre. Pascal Quignard a écrit ainsi huit cents pages en trois volumes : Les Ombres errantes, Sur le jadis et Abîmes. On a l’impression d’assister non pas à des traités, et encore moins (surtout pas) à des essais, ou alors, le vœu de l’auteur serait d’être dans la parenté de Montaigne : prendre un sujet qui relève de la réflexion humaine, et celle de l’auteur, pour y joindre son propre point de vue, situant parfois une vision ou une pensée dans une perspective historique, ou la précisant par une citation latine (et pas biblique chez Quignard). La parenté avec Montaigne ne peut aller plus loin : Quignard invente son propre univers, avec les figures de la mort, du sexe, de la peur, de la connaissance et de la mémoire. On assiste ainsi en fait à la rédaction d’un « journal » découpé en trois volumes. Cette impression prévaut quand on voit que le troisième comporte pour la moitié une réflexion sur le « jadis » qui suit celle du volume précédent. « Jadis qui ne parvient pas à être : si l’ambivalence est son impossible visage, l’imminence est son mode d’expansion. Pour le dire à la façon des anciens penseurs de la Grèce : Être qui n’est pas à la limite du Toujours. Rien ne peut venir à durer à partir de lui. Toujours survenant il n’est jamais survenu », écrit Pascal Quignard, au rythme de chapitres brefs, séquencés. Et de poursuivre, toujours en être dérivé et coupé de ce temps jadis, sur une autre obsession de son écriture : « Dans le râle de la joie sexuelle, dans le râle de l’agonie, le souffle cherche à sortir absolument. Cherche à s’échapper de la barrière des dents et des étranges paupières des lèvres pour ne plus revenir. Sortir, libido, éros, pulsio, issir, jaillir, jadir. L’univers lui-même est une poussée. En latin une pulsio. En grec une phusis. Noyau interne qui s’extériorise. Un apparaître. Un Exter. Comme la sexualité produit un Alter. »
Cette lecture éprouvante parce que sans séduction s’avère fascinante par sa rigueur. Elle se distingue des autres parcours en fragments d’autres auteurs. Elle pourra agacer par une rigueur qui justement peut sembler aussi faire preuve de raideur et d’une sorte de masculinité auto-proclamée. Quoiqu’on en pense, il faut en reconnaître l’originalité à défaut de décider de sa valeur.

Pascal Quignard
Les Ombres errantes
190 pages, 17
Sur le jadis
310 pages, 19
Abîmes
262 pages, 18
Grasset

Le Livre fragmenté Par Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°41 , novembre 2002.
LMDA PDF n°41
4,00