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Domaine français L’infiniment beau

novembre 2002 | Le Matricule des Anges n°41 | par Dominique Aussenac

Dans un récit éclaté, Jérôme Ferrari met en parallèle émois, métaphysique et mathématiques quantiques. Une équation envoûtante au résultat caustique.

Comment les nouvelles théories scientifiques, celles sur les particules élémentaires notamment peuvent-elles dire le vivant, les émotions, tous les aspects aléatoires de l’être humain, alors qu’elles remettent en cause la plupart de nos connaissances ? Michel Houellebecq dans son deuxième roman avait bien tenté d’une manière assez brouillonne, assez peu convaincante d’écrire sur le sujet. C’est au tour de Jérôme Ferrari, agrégé de philosophie d’un établissement scolaire de Corse du Sud de s’y essayer. Il confronte les théories à des tranches de vies désabusées légèrement délétères dans lesquelles un prof de philo (son double ?) conte ses difficultés sentimentales, ses amours avortées, le fantôme de Béatrice ou la danse de séduction d’Anna. Ainsi la théorie de Wigner, prix Nobel de physique en 1961 explique qu’un système quantique non mesuré consiste en une superposition abominable de tous ses états possibles, ce qui, en terme de comportement humain pourrait bien se résumer ainsi : « Moi, composé informe de possibles infinis, je tenais cette fille dans mes bras et me trouvais donc dans un état superposé »je bande-je ne bande pas«  ; mais elle a ouvert les yeux et m’a regardé et sa conscience malveillante m’a précipité dans un corps unique et blessé, emprisonné désormais dans le tragique état »je ne bande pas«  ».
Ferrari a traduit les nouvelles de Marcu Biancarelli, les deux écrivains, (révélations littéraires corses) portent sur les êtres un regard sans concession (pas de lyrisme, ni de compassion, seulement quelques sarcasmes). Les relations humaines, ces combinaisons aléatoires régies par la fatalité inhérente à la condition humaine revêtent chez eux un caractère acerbe, rude, sans grande empathie. L’homme est mortel, un point, c’est tout. Il est seul ! Entre le fini et l’infini, son corps titube, son âme vacille, sa relation au réel s’altère. « J’avais tellement la sensation de m’éloigner à toute vitesse de mon corps, comme si, à ma place, avec ma voix, ce n’était qu’un mannequin complètement étranger qui parlait ». Mais ni la brillance des théories mathématiques ou philosophiques, ni cette distanciation du héros par rapport au réel, aux sentiments ne parviennent à expliquer ce qui attire ou repousse deux êtres. Le mystère de l’amour reste total, cela nous rassure, même s’il s’agit ici d’un amour sans possibilité de fusion, sans unicité, sans mystique. « Comment parler d’amour, avec cette force aveugle qui arrache tout, et qui précipite les particules autour des attracteurs étranges tandis que je descends vers la ville ? »
L’écriture de Ferrari coule, intense, claire alternant intonations intimistes (souvenirs, confessions) et lignes de basse tendues souvent dans le brouhaha, le choc des rencontres. Parfois des répétitions (un léger ressassement) interviennent, proches du souffle épique de la poésie. Les dialogues roulent, s’entrechoquent, caustiques, légèrement amusés. La langue toujours vivante reste accessible même lorsque sont explicitées des théories scientifiques ardues. L’architecture du roman engendre une profondeur de champ qui permet expansion et dilatation du récit, des théories, dans lesquelles le lecteur ne se perd jamais, mais où il croise de nombreuses ombres, celle de Dante notamment. Parfois une même situation est contée par les deux protagonistes. Cela pourrait permettre d’éclairer la narration de lumières nouvelles mais a plutôt effet de l’opacifier davantage, tant sont immenses les divergences quant au ressenti, au vécu. Ce roman crépusculaire annonce des aubes littéraires des plus intéressantes et place Jérôme Ferrari, brillant écrivain, aux portes de l’universel. « Quelle tendresse ? -celle de la femme qu’on aime, celle de la viande avariée. À la surface des mots, l’infini revient quand même, il tourbillonne dans la langue et chaque mot prolifère et grouille. »

Aleph zéro
Jérôme Ferrari
Albiana
131 pages, 15

L’infiniment beau Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°41 , novembre 2002.
LMDA PDF n°41
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