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Domaine étranger Certains l’aiment show

novembre 2002 | Le Matricule des Anges n°41 | par Pascal Paillardet

Fresque plaisante et drôle à défaut d’être audacieuse, Les Corrections, biographie d’une Amérique chancelante, doit surtout son succès au souffle d’une pétarade médiatique.

La logique informatique n’est pas la voie la plus directe vers la détente de l’esprit, mais elle est une bretelle d’accès vers de récréatives aberrations. Son apport est des plus bénéfiques pour approcher Les Corrections, le roman « branché » de Jonathan Franzen qui sonde le désarroi de la « middle class » de l’Amérique des années 1950, aux valeurs conservatrices révolues, et les frustrations professionnelles et sentimentales de la « Google class » de la côte Ouest. Dans leur perfide ingéniosité, les techniciens en informatique ont en effet conçu de curieux programmes (appelés « patchs », mais c’est sans intérêt) supposés améliorer ou réparer les logiciels défaillants. La déplorable fourberie de ces amendements techniques, disponibles sur internet, est de substituer aux erreurs initiales des vices plus obscurs, et d’astreindre l’utilisateur à des réparations incessantes et vaines, jusqu’à épuisement de ses ressources flegmatiques… Cet « optimisme infantile de la réparation », établi avec arrogance par la « technologie idiote et paresseuse », peut se résumer à cette scène où le vieil Alfred, en toute fin de roman, est incapable de réparer les ampoules mortes d’une guirlande de Noël : « Cette foutue guirlande l’avait pris en otage et il ne pouvait rien faire d’autre que sortir et dépenser »
La vanité de toute tentative de ravaudage -économique, social ou familial- est l’un des propos de Jonathan Franzen, auteur à 43 ans d’un satirique « roman monde » en orbite autour de la famille d’Alfred Lambert. Une tribu disloquée, écartelée entre Saint Jude dans le Midwest, où les retraités Alfred et Enid, les « pires réacs d’Amérique », répliquent par un puritanisme désuet à la modernité « totalitaire, médicalisée et commercialisée » incarnée par leurs trois enfants exilés sur la côte Ouest : Chip, le lamentable margoulin, Gary, le banquier maussade et asthénique, et Denise, la benjamine affranchie aux appétences sexuelles équivoques. Biographie d’une Amérique chancelante, racontée à travers les destins croisés de ces tempéraments opposés, Les Corrections repose sur les failles et les névroses qui risquent de ruiner le rêve d’Enid : mobiliser sa troupe décimée pour célébrer un dernier Noël à Saint Jude.
Assurément pourvu d’idées musclées sur les travers du capitalisme occidental, incontestablement doté de caractères drôles et singuliers -Chip, le fils cadet traficoteur de la Nouvelle Économie, à Alfred, l’aïeul cacochyme-, Les Corrections peut aussi se révéler abusivement copieux et démonstratif, étonnamment classique dans sa narration. Adoubé par son million d’exemplaires vendus outre-Atlantique, ce roman-fleuve est parvenu sous nos cieux précédé de sa réputation de livre à succès et à scandale. Éditée le 5 septembre 2001 aux États-Unis, lauréate du National Book Award, cette ample fresque demeura durant vingt-huit semaines sur la liste des meilleures ventes du New-York Times. Traduit en plus de quinze langues, le prestige de ce troisième roman de Franzen (les deux premiers ne sont pas encore traduits en France) a bénéficié de la polémique suscitée par le refus de son auteur de participer au Club du livre d’Oprah Winfrey, animatrice vedette sur ABC. « C’est mon livre, ma création, et je ne voulais pas d’un logo qui se l’approprie », estima Franzen, jeune homme plus lucide et sage que ses thuriféraires.
En quelques semaines, le « petit con », tel qu’il fut qualifié sans correction par Oprah Winfrey, est devenu la coqueluche de journaux forçant sur la caricaturale imagerie de l’écrivain retranché dans son ténébreux studio de Manhattan, écrivant les yeux bandés comme le rapporta le New York Times… La lecture de son livre, certes plaisant mais finalement sagement inscrit dans la tradition des fresques sociales, est une manière de corriger le tir.

Les Corrections
Jonathan Franzen
Traduit de l’américain
par Rémy Lambrechts
Éditions de l’Olivier
716 pages, 21e

Certains l’aiment show Par Pascal Paillardet
Le Matricule des Anges n°41 , novembre 2002.