Nelly Sachs (1891-1970), prix Nobel en 1966, est la grande figure de la poésie allemande à côté de Paul Celan. Comme lui, elle a nourri son œuvre de la tradition hébraïque. Ses poèmes comportent toujours une double lecture : celle du lecteur ignorant, qui sera bouleversé par des images marquées par la Bible, l’exode et la Shoah, et le lecteur averti, qui saura davantage décrypter les allusions non seulement religieuses mais comprendra le sens de mots liés aux rituels et à la culture juive. C’est le génie de cette poésie : colporter la mémoire d’un peuple tout en offrant à tout homme la possibilité de relever la tête devant les bourreaux de l’humanité.
Ce don, Nelly Sachs le tint à bout de bras, avant d’être emportée par la dépression, la folie, puis le suicide, comme Paul Celan. On ne survit pas parfois à l’horreur, ni même à sa mémoire. Pour Nelly Sachs, Israël n’est pas qu’un pays : l’histoire juive se fait à toute heure et les prophètes sont aussi présents que la pluie ou le vent. Ce volume rassemble Exode et métamorphose et Et personne n’en sait davantage, et paraît après la traduction chez le même éditeur d’Éclipse d’étoile (deux autres livres essentiels sont parus chez Belin). La langue y est toujours céleste et tourmentée : « Je t’ai revu,/ la fumée t’a marqué de son signe,/ tu ôtais,/ le manteau de chrysalide/ fait d’agonie,/ soleil couché,/ sur le fil de ton amour/ la nuit s’éclairait/ s’élevait/ vol déployé/ d’une aile d’hirondelle./ J’ai saisi un fétu de vent,/ une étoile filante y était accrochée- ».
Exode et métamorphose
Nelly Sachs
Traduit de l’allemand par Mireille Gansel
Verdier
170 pages, 15 €
Poésie Le ciel et l’agonie
novembre 2002 | Le Matricule des Anges n°41
| par
Marc Blanchet
Un livre
Le ciel et l’agonie
Par
Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°41
, novembre 2002.