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Domaine français Machine de guerre

janvier 2003 | Le Matricule des Anges n°42 | par Gilles Magniont

Paru pour la première fois en 1930, le "roman d’aventures" de Ferdinand Fleuret surprend par sa richesse et sa noirceur. Puisque l’intrigue n’en finit pas de rebondir.

Les dictionnaires de littérature ne disent pas grand-chose de l’auteur. Deux dates (1883-1945), un ami célèbre (Apollinaire), des travaux érudits, un peu d’érotomanie, quelques supercheries ; voilà pour l’obscur polygraphe : un de plus, semble-t-il, dans la réserve des bibliothèques. Il importe peut-être aussi de savoir qu’il acheva sa vie dans un asile psychiatrique : non qu’il faille lire Jim Click à cette seule lumière, mais c’est une donnée qui complique encore ce drôle de livre.
Ça commence à la manière des romans d’aventures et d’apprentissage. Dans l’Angleterre du roi George, le jeune et timoré Jim, fils d’un horloger, s’éprend d’un garçon de son âge, le très turbulent Horatio Gunson, qui ne rêve que de combats en mer : « Que j’eusse été heureux de l’avoir pour ami, de l’aimer et de le craindre ! Heureux comme les filles, à qui de jeunes butors tirent les cheveux par-derrière et pincent les bras jusqu’au sang »… Heureux, il le sera bel et bien, au long d’une cinquantaine de pages et d’une poignée d’années, à marcher dans les pas d’Horatio jusqu’à ce que ce dernier décampe enfin du collège pour embarquer à Portsmouth. Les deux existences sont alors disjointes : « mon cher Horatio » se fait glorieux amiral et héros national, le narrateur s’isole dans ses études. Au terme de celles-ci, une incroyable idée lui vient : créer un automate à l’image de l’amiral, « un androïde d’un ordre nouveau, chez qui les principaux muscles, les nerfs, les tendons, et jusqu’à l’appareil circulatoire seraient copiés sur la nature ». Avec la conception farfelue de cet automate, l’intrigue dévie vers une sorte de merveilleux, mais le cours du récit paraît s’assombrir, à mesure que la machine déloge Horatio du cœur de Jim : « quand j’appris la perte qu’il avait faite du bras et de l’œil droits, j’en fus moins affecté pour lui qu’au regard de mon androïde. Allais-je le mutiler de même ? » Enfin, un beau jour de septembre 1805, Jim a le bonheur de montrer sa machine à l’auguste modèle, qui s’amuse à boxer l’automate, lequel répond à ses ruades. Un fatal accident survient alors, et Jim décide de faire agir le pantin de sorte que tous croient encore à l’existence d’Horatio. Un nouveau roman, d’un comique parfois douloureux, se met alors en place.
C’est l’histoire d’une incroyable mystification, et de ses amers enseignements : car si personne ne relèvera la supercherie, c’est que le fier amiral n’était déjà en lui-même qu’un grotesque pantin. « Qu’était-ce donc qu’Horatio ? Un costume, une voix, des médailles ». Et le narrateur de découvrir qu’« il suffit qu’un mannequin constellé mette le nez à la fenêtre, et qu’il fasse entendre une formule saugrenue pour que tout un peuple se révèle ivre de carnage »… L’écriture se fait plus dissertative et semble parfois jouer la carte du conte philosophique : la vitesse du récit en pâtit quelque peu, mais surnagent des scènes quasi cauchemardesques de destruction décérébrée. Sans doute est-ce que Fleuret ne puise pas qu’aux souvenirs livresques : la Grande Guerre est toute proche…
Le lecteur n’est pas au bout de ses surprises : toujours, les ruptures de ton et les rebondissements de l’intrigue relancent son intérêt. D’autant que l’auteur a su ménager un dispositif en chausse-trapes d’une troublante complexité. Le prologue nous apprend qu’« au cours d’une longue fatigue causée par l’étude et le travail », un certain Robertson se rend dans la clinique du Dr Vilkind : c’est là qu’il découvre le manuscrit de Jim Click… qui nous parvient donc par l’entremise de deux malades mentaux ! Robertson revient sur la scène du roman lorsque s’achève le manuscrit ; il tentera bien sûr d’en éprouver la véracité. Sachez juste qu’au bout de son enquête, l’attend une magnifique surprise.

Jim Click ou la merveilleuse
invention

Fernand Fleuret
Farrago/Léo Scheer
237 pages, 18

Machine de guerre Par Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°42 , janvier 2003.