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Domaine français L’œil privé

janvier 2003 | Le Matricule des Anges n°42 | par Eric Naulleau

Dans l’inquiétante ville basse de Philippe Renonçay, seul le crime est parfait. Quand la vérité crève les yeux mais se dérobe au regard des hommes et des appareils photos.

Dans la ville basse

De la pornographie comme volonté de traquer l’intimité jusqu’en ses dernières positions retranchées. À force de porter le X au carré, des caméras seront un jour introduites à l’intérieur des organes sexuels pour mieux filmer les copulations. Rien n’empêchera ensuite, ainsi que le proposent déjà certains « snuff movies » vendus sous le manteau, de présenter des organismes équarris à la manière du cadavre atrocement mutilé qui apparaît au tout début de Dans la ville basse : « Le corps a été démembré : bras et jambes. Le ventre et le bas du dos ont été dépecés. De larges lambeaux de peau ont été découpés dans le creux des cuisses et sur la partie externe des mollets.L’intérieur des chairs a été tailladé. Les pieds ont été fendus dans le prolongement de chaque doigt et les ongles arrachés. Une incision épaisse et circulaire a été effectuée au niveau de l’utérus et de la ». Au-delà des apparences d’un impeccable polar métaphysique où, sur fond mouvant d’un port sud-américain, se croisent les trajectoires d’une inconnue retrouvée morte à fond de cale, d’un ancien photographe de guerre reconverti en détective obsessionnel et d’un directeur de journal au passé trouble, le troisième roman de Philippe Renonçay développe une passionnante réflexion sur ces illusoires tentatives de dissiper les moindres zones d’ombre de la réalité. Catherine Millet n’a-t-elle pas souhaité qu’on puisse en toute tranquillité faire l’amour dans les lieux publics, à commencer par les halls de gare ? Moderne chimère qu’illustre ce reproche plus loin adressé au personnage principal du livre qui nous occupe : « Vos images sont trop éclairées parce que vous désirez que tout vous soit découvert ; vous voulez épuiser l’objet ! Vous photographiez les êtres et les choses frontalement comme si vous recherchiez une révélation. »
L’ambition de l’écrivain semble avant tout de restituer à l’écriture sa part obscure. Après la surexposition de la scène inaugurale, lieux et personnages retournent dans cet entre chien et loup où s’épanouit l’art du roman -chaque homme au fond de sa nuit, les lueurs rythmiques des néons urbains parviennent ici tout juste à éclairer un profil, mais échouent à dissiper les ténèbres intimes. Autant dire que notre romancier n’est guère dans l’air d’un temps où sévit une surenchère dans l’autofiction, où des écrivains aussi différents que Christine Angot et Philippe Sollers proclament, à peu près dans les mêmes termes, qu’il faut cesser de raconter des histoires pour se consacrer à son histoire personnelle, qu’il convient de ranger l’inquiétude existentielle parmi les préoccupations d’une époque révolue au profit de « Votre existence, elle seule, pas vos opinions, vos idées », ainsi que le résume l’auteur de Femmes. Philippe Renonçay serait plutôt de ceux qui se lancent dans la composition de subtils puzzles, activité à laquelle s’apparente le métier d’écrire, et peut-être aussi celui de vivre, tout en sachant par avance qu’une pièce fera toujours défaut. Le passé des protagonistes d’une « catastrophe (qui) a déjà eu lieu », l’étrange topographie de la cité portuaire, le rapport d’autopsie de la victime, et même le corps de celle-ci -tous les éclats d’une vérité fracassée finissent par s’assembler, mais une tache blanche demeure obstinément au centre du tableau : la dernière ligne du rapport, les yeux du cadavre…
Dans la ville basse ne se contente pas d’illustrer avec bonheur cette vérité selon laquelle le roman noir est une forme moderne de la tragédie antique. La prose fiévreuse de Philippe Renonçay ajoute encore à un malaise diffus qui ne cesse de planer, même et surtout la dernière page tournée : « … la radio avait interrompu son programme pour jeter au visage à demi somnolent de la ville le corps mutilé que l’on venait de découvrir dans la cale du » Cabo Blanco « , les faibles murmures rebondissant dans les rues, s’élevant de toutes parts, agrippant les nuées puis cessant soudain comme si les portes de la ville s’étaient closes d’un coup, poussées par un peuple démoniaque et invisible. »

Dans la ville basse
Philippe Renonçay
Climats
168 pages, 14

L’œil privé Par Eric Naulleau
Le Matricule des Anges n°42 , janvier 2003.
LMDA PDF n°42
4,00