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Domaine étranger Fausses pistes

janvier 2003 | Le Matricule des Anges n°42 | par Benoît Broyart

Ecrivain de l’obsession, Martin Suter balaie dans son troisième roman le vaste chantier de la mémoire en mettant en place une structure narrative implacable.

On avait découvert la voix de Martin Suter avec Small world, premier roman d’un auteur cinquantenaire paru en 1998. Sous les traits du polar, le texte explorait déjà le territoire illimité de la mémoire. Un homme atteint de la maladie d’Alzheimer y voyait son présent se liquéfier et des bribes de passé archaïques ressurgir. L’auteur, suisse allemand né à Zurich en 1948, avait bâti avec Small world un premier texte diablement intelligent.
Dans Un ami parfait, la fascination pour la mémoire et ses troubles n’a pas quitté Martin Suter. Elle est même au centre de ce troisième roman. Fabio Rossi, journaliste à Dimanche matin, se réveille dans une chambre d’hôpital. « Il se palpa la tête. Les cheveux, sur la moitié inconnue de son crâne, lui faisaient une drôle d’impression, comme une casquette. Un bandage ? Sur le côté gauche aussi, quelque chose n’était pas comme d’habitude. Un pansement lui collait à l’arrière-crâne, protégeant un point douloureux. Avait-il subi une opération à la tête ? Lui avait-on extrait une tumeur ? Et avec elle, le souvenir du fait qu’il en avait eu une ? »
Frappé à la tête et victime de confusion mentale, Rossi a été conduit jusqu’à l’hôpital. L’homme a perdu la mémoire des cinquante jours précédant son réveil, parenthèse de vie suffisante pour s’oublier totalement. Il entame des recherches sur lui-même afin de découvrir ce qui s’est réellement passé, espérant « retrouver l’accès » à ses souvenirs. Il devient donc l’objet de son enquête, ce qui donne à Un ami parfait ce curieux statut de polar perverti où l’écrivain utilise la structure du roman policier pour la détourner.
Martin Suter n’emprunte pas les mêmes chemins que dans Small world, car la mémoire est abordée ici sous un autre angle. Le présent ne file pas entre les doigts, c’est lui qui mine plutôt et devient rapidement ingérable, à mesure que l’amnésique reprend contact avec les événements ayant précédé sa perte de connaissance. L’inquiétude et le trouble progressent en temps réel, une partie essentielle du passé faisant défaut. Ce mouvement donne au récit un rythme soutenu.
Avec une rigueur clinique, la voix dépouillée de Martin Suter avance sans jamais céder au pathos. Ainsi, la mémoire et ses mécanismes deviennent un véritable objet d’expérimentation. Précise, l’écriture de Suter ne réserve aucun effet. Elle se révèle lisse, stérile presque, comme si elle tenait à demeurer à tout prix le simple véhicule de l’histoire. C’est pourquoi on ne peut pas dire de l’écrivain suisse allemand qu’il est un grand styliste, même si un tel jugement semble toujours difficile à formuler lorsqu’on est face à une traduction.
L’intérêt de la démarche est ailleurs. Il réside bien sûr dans la poignante quête identitaire que mène Fabio Rossi tout au long du récit, dans ses constantes remises en question. Mais ce qui convainc davantage encore, c’est bien de rencontrer un écrivain de l’obsession, disséquant la mémoire dans chacun de ses livres, comme un corps dont il faudrait parcourir tous les membres. Cette dimension rare, qui donne à Martin Suter des allures de scientifique, fait décidément de lui un auteur à part.

Un ami parfait
Martin Suter
Traduit de l’allemand
par Olivier Mannoni
Christian Bourgois
378 pages, 23

Fausses pistes Par Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°42 , janvier 2003.
LMDA PDF n°42
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