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Histoire littéraire Le mélange des arts

janvier 2003 | Le Matricule des Anges n°42 | par Thierry Cecille

Disciple attentif, Rilke apprit beaucoup de Rodin. Le travail tout en subtilité de la graphiste Kitty Sabatier donne un souffle pénétrant à la réédition de cette correspondance.

Chaque existence d’artiste, d’écrivain, suit un rythme qui lui est propre : à l’irruption météorique de Rimbaud s’opposerait le mûrissement, la germination presque végétale de Rilke. Il le sent, le sait -et tente de ne pas, au moins, y faire obstacle : il doit nourrir cette croissance, accepter que les feuilles mortes se détachent, que des branches tombent. Ainsi, laissant de côté ses premiers poèmes, précieux, frêles -de la « porcelaine » dira Robert Musil- il pourra s’acheminer peu à peu vers le marbre -des Élégies de Duino, des Sonnets à Orphée. Sur ce chemin il y aura Paris : les tortures de la solitude totale, la pitié impossible envers les mendiants, les moribonds, la nostalgie d’une noblesse perdue -de tout cela témoigneront les Cahiers de Malte Laurids Brigge. Puis, pour transformer l’angoisse en « choses », il y aura Rodin. Il le découvre grâce à Clara Westhoff, sculpteur qui devient sa femme en 1901, il lui écrit, dès 1902, pour lui soumettre un projet de monographie (dont la première partie paraîtra bientôt, en 1903, et la seconde en 1907), il lui rend visite et devient même son secrétaire, avant qu’une rupture ne les sépare, en mai 1906 -il semble que Rilke se soit lassé d’une tâche tout de même subalterne, et qui l’empêchait de se consacrer à ses propres œuvres -mais la correspondance ne s’interrompra pour autant.
Rodin est devant lui non comme le représentant de cette qualité vague que l’on nommerait le génie mais simplement comme le symbole vivant du travail -et c’est le travail qui confère à l’existence de l’artiste sa valeur. « Je sens que travailler c’est vivre sans mourir » lui écrit Rilke. La leçon de Rodin est qu’il faut sans cesse s’enfoncer plus avant dans son travail, y être « comme le noyau l’est dans son fruit », pour arriver à « faire » -et alors c’est « la vie créante ». Il faudrait lire, en complément, pour les récits qu’on y trouve de ses dialogues avec Rodin, de leurs promenades, de leurs visites au Louvre, ses lettres à Clara ou à Lou Andreas Salomé -à qui il parlera bientôt d’un autre intercesseur : Cézanne.
Cette édition, si elle ne propose pas toutes les lettres de Rilke (elle reprend l’édition de 1931 -les lettres, écrites bien sûr en français par Rilke, n’ont été que modérément corrigées) offre en revanche -c’est le propre de cette belle collection- un travail original de Kitty Sabatier. Elle mêle ici, avec subtilité, des calligraphies arabisantes, des sortes de stèles comme gravées de phrases de Rilke, des pages aquarellées ou griffées d’onciales, à la Cy Twombly -aux reproductions de l’écriture, soignée et un peu enfantine, de Rilke. Notre lecture, ainsi, s’attarde, prend le temps de d’établir dans cette chambre d’échos, entre les mots du poète, les sculptures de Rodin qu’il évoque, et ces lettres, ces mots colorés, qui échappent au corps des phrases pour devenir taches, blocs, plumes légères -l’œil écoute alors.

Cher Maître - Lettres à Rodin 1902-1913
Rainer Maria Rilke/Kitty Sabatier
Éditions Alternatives
95 pages, 19,50

Le mélange des arts Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°42 , janvier 2003.