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Domaine français Ciel sans fin

mars 2003 | Le Matricule des Anges n°43 | par Thierry Guichard

Hubert Mingarelli miniaturise une humanité pauvre, ballottée par la guerre et qui s’accroche à ce qui reste possible de fraternité et d’espérance. Une merveille, encore une fois.

Il n’y a pas vraiment de phrases ici qu’on pourrait extraire du roman et faire tourner, comme un diamant sous l’œil de l’amateur. Pas d’élan, pas d’inventions verbales et pourtant, c’est avec la gorge nouée qu’on repose le roman. Hubert Mingarelli a changé un peu sa manière. Pas grand-chose : il a abandonné le couple père-fils qu’on trouvait dans ses précédents livres pour nous raconter une histoire de fraternité. Et puis bien sûr, au mitan du livre, le gamin est arrivé et voilà, à la dernière phrase, on est sonné.
L’hiver 1919 a dû être rude du côté gelé de la Galicie où l’on retrouve une armée rouge dépenaillée. Bénia le narrateur fuit les Roumains qui talonnent sa compagnie. Ce qu’on sait de lui, dès les premières phrases, c’est qu’il ne possède pas grand-chose et qu’il se sent bien seul sous le ciel sans fin. Aussi, il va s’arranger pour fraterniser, dans la fuite, avec Pavel, un débrouillard. Puis se joindront à eux le colosse Kyabine et Sifra qui ne parle pas beaucoup mais porte des bottes de cavalerie chipées sur le cadavre d’un officier. Les quatre soldats s’unissent dans l’épreuve de l’hiver, dans la traversée de l’attente. Ils établissent de petits rituels qui en disent long sur ce qu’ils ont traversé d’épreuves, sur ce qu’ils ont vu de la mort et de la souffrance. Il y a la montre qu’à tour de rôle ils se prêtent, nuit après nuit. Son mécanisme est rompu, mais elle s’ouvre sur une photo de femme… Il y a les plaisanteries sur Kyabine qui font rire jusqu’à leur victime. Ces hommes en uniformes dépareillés appartiennent à la guerre plus qu’ils ne la font : il leur faut d’abord lutter contre le froid, contre la faim. Sous les ordres de leur commandant, « un homme timide », ils quittent la forêt au sortir de l’hiver. Les mules, les chevaux ont été mangés, beaucoup de compagnons ont disparu. La mort prend ici la figure des chevaux.
Dans la plaine, la compagnie s’installe à l’orée d’un bois de sapins. C’est comme un camp scout : chaque groupe installe sa tente, fait sa survie. Nos quatre hommes découvrent un petit étang. Ce sera leur secret. Chaque jour ils s’y rendent en prenant soin de ne pas laisser de traces derrière eux. La marche, le rituel : on n’est pas loin des motifs habituels de l’écrivain. L’amitié passe par les silences, les courtes répliques, le regard au bord des larmes de Bénia. C’est un roman fragile, tenu par des détails infimes, une architecture de brindilles pour tenir le poids du monde. Pas de phrase à donner comme preuve de l’émotion que ces pages renferment parce que chacune, dans sa justesse, épaule la suivante. Elles sont, les phrases de Mingarelli, comme ces quatre soldats. Comme eux dépenaillés. Il manque souvent un terme aux négations (« Lui écris pas ça ! »), leurs mots sont pauvres, le souffle leur manque. Mais avec ces fétus d’humanité et des brins de phrases, se dévoile sous nos yeux l’histoire de « tous ceux qui meurent et qui sont nos frères ».
Et donc le gosse Evdokim, engagé volontaire, arrive au camp et d’office est confié à nos hommes. Il possède un carnet. Il écrit. Ce qu’il voit dit-il. Et tout à coup, pour Bénia, pour Pavel, pour Sifra et pour Kyabine les gestes du quotidien, les petits rituels, leur vie de dérive prennent une dimension nouvelle : ils ont trouvé la mémoire de leurs actes. On ne dira pas ce qui noue la gorge. Seulement qu’un cheval mort, la tête dans l’eau, sous un ciel immense, c’est une image qu’on n’oublie pas.

Quatre soldats
Hubert Mingarelli
Seuil
201 pages, 15

Ciel sans fin Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°43 , mars 2003.
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