À l’entrée du roman, le trouble de la narratrice est si fort que le texte met quelques pages à gagner sa netteté. Le monde est sur le point de tomber, le récit d’être précipité dans l’eau froide. Marie contient une douleur qui submerge sa vie, une incompréhension qu’elle est venue dissoudre en revenant dans la Normandie qui l’a vue grandir : « Un pays sans confort, qui essaye de tenir contre le vent, contre l’engloutissement. On voit ça dans les yeux. L’habitude de tenir, ou le rouge déjà qui mange les paupières et les joues, parce qu’on ne fait plus que semblant. » Trois tombes, sur la falaise, sont le point de départ d’une enquête : celle de Nathan, enfant adultérin et de ses parents Jeanne et Ariel, cousins germains ayant vécu un amour impossible. Jeanne était la grand-tante de Marie qui a découvert l’amour avec Louis, son cousin germain. On a tendu un filet inextricable autour du corps de la narratrice, comme si le mal passé devait toucher sans fin la même famille, le cycle d’amours interdites reprendre inlassablement. Le dialogue se noue entre Nathan, l’enfant mort, et Marie. Le texte utilise avec justesse cette voix pour toucher l’inavouable et revenir apaisé. Les Enfants qui tombent dans la mer apparaît comme le roman d’une guérison. Le récit enchevêtre les vies des aïeux de Marie et progresse vers une élucidation finale ; plusieurs histoires mêlées, filtrées par la voix éclairante de Nathan : « Je suis l’enfant de ceux qui s’aiment à cause de l’enfance, c’est pourquoi je ne peux grandir. »
Florence Delaporte expose la détresse des corps avec sincérité, cela fait de son troisième roman un texte bouleversant : « Comment voulez-vous comprendre que nous serons toujours et encore attirés l’un vers l’autre comme si c’était le bord du monde et que nous aussi nous allions sauter main dans la main ? »
Les Enfants qui tombent
dans la mer
Florence Delaporte
Gallimard
276 pages, 16 €
Domaine français Les fleurs de peau
mars 2003 | Le Matricule des Anges n°43
| par
Benoît Broyart
Un livre
Les fleurs de peau
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°43
, mars 2003.