La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Le bal des ardents

mars 2003 | Le Matricule des Anges n°43 | par Dominique Aussenac

Marie Depleschin égrène un chapelet grave, ironique, incantatoire de l’angoisse de vivre. Entre modernité et paganisme, un livre d’images qui puise sa force -et sa limite- dans le mélange des genres.

Certains romans se lisent comme des tableaux. Les yeux plissés, les lignes de force, de fuite, les formes dominantes, apparaissent, évacuant le superflu, les compositions parasites. De Dragons se dégagent des ronds concentriques : une île avec des couples amis, au-dessus planent de sombres nuages et un dieu coléreux, en dessous se terre un dragon aux forces archaïques incontrôlables. Au centre de ces cercles, un bâton, ossement-relique, témoin de sacralité, de virilité et de mort est érigé. Il pénètre ou est positionné à côté d’un ovale, plaie, cicatrice, sexe féminin cerné par une multitude de doigts. Dragons à travers ses histoires de couples qui se défont, se refont, d’êtres aveuglés par leurs pulsions, de fantômes qui pénètrent les vivants offre une hyperbole angoissée sur le désir et la mort dans laquelle foisonne le mélange des genres : fantastique, science-fiction, Nouveau roman, grand-guignol baigné d’humour-chagrin. Élevée dans une tradition catholique, dans le Nord de la France, Marie Depleschin a suivi des études de littérature médiévale et de journalisme qu’elle a pratiqué comme l’enseignement et la communication. Auteur de livres jeunesse, une douzaine à son actif, tous édités par l’École des loisirs, elle publie en 1995 Trop sensibles (L’Olivier), un recueil de nouvelles où des femmes racontent les moments douloureux de leur vie. Sans moi, son premier roman (L’Olivier, 1998) évoque la rencontre et l’amitié d’une jeune femme un peu larguée, dealer et prostituée avec une divorcée dont elle devient la baby-sitter.
Si la mélancolie sied magnifiquement à Dragons, le carambolage de la modernité et de l’archaïsme apporte une dimension novatrice, l’ironie désamorce la gravité et la noirceur de certains passages, si l’écriture se révèle efficace, sensible, poétique, Marie Depleschin, entraînée par la puissance des images, privilégie trop la forme au détriment du sens. Comme si, à force de tourner autour du pot-aquarium, elle finissait par noyer le poisson et dieu avec.

Ce qui surprend dans Dragons, c’est le mélange des genres. Quelle était l’idée de départ ?
Par rapport à ce que je voulais traiter la forme s’imposait. J’aime la littérature et j’aime les genres, je ne fais pas la différence comme je ne fais pas la différence entre littérature jeunesse et littérature adulte. J’ai conçu ce livre comme une espèce d’objet curieux, un prisme qui aurait un usage fantasmatique, intellectuel qui dépasserait le simple plaisir de l’histoire.
Vous semblez du reste ne jamais vraiment aller au bout de vos histoires…
J’ai plutôt eu l’impression d’aller assez loin mais dans une voie dont je sais pertinemment qu’elle est sans issue. Dans la science-fiction des dernières décennies, la question centrale, c’est la question métaphysique et les enjeux sont de montrer dieu ; ce qui est intéressant c’est qu’on n’y arrive jamais. Cette quête est passionnante et riche d’images. J’ai l’impression que dieu imprègne le livre, sans que cela soit vraiment voulu au départ. C’est dû au fait que j’en suis moi-même imprégnée. Comme dans la peinture médiévale, tout est signe et tous les signes ramènent à dieu. L’ambition, ce n’était pas de parler de dieu, c’était de parler de la mort. Et en fait, ça a entraîné les images. Les images chrétiennes sont plutôt apocalyptiques comme un livre de colère. De peurs et de colère. Je ne savais pas en écrivant ce que faisaient les images, mais je savais qu’elles s’imbriquaient comme des pièces de puzzle.
Il y a à travers ces corps qui s’interpénètrent une métaphore sur le vide et le plein baignée de mélancolie.
Là, c’est difficile d’aller jusqu’au bout des images. Mais, c’est sûr que la métaphore du vide et du plein, c’est intéressant et c’est exprimé aussi par le fantôme qui possède et qui est l’image du désir qui traverse tout le livre. Il y a toujours cette sensation de vouloir remplir et de vouloir être rempli qui fonctionne aussi bien pour la libido que pour le spirituel, pour la connaissance. Quant à la mélancolie, on ne se refait pas. Je pense à un tableau magnifique que j’ai vu à Colmar, il y a quelques années : La Mélancolie de Dürer.
Les vivants et les morts vivent dans un même monde ?
J’en suis intimement persuadée. Il y a une phrase de Mauriac qui dit que les morts ne sont pas dans les cimetières : « je sens leurs mains sur mon épaule et leurs souffles dans ma nuque. » C’est cette expérience sensuelle que je voulais exprimer dans ce livre-là. L’objet était de parler de la mort, évoquer toutes ses expériences qu’on a de reconnaître des visages, d’être obsédé par des photos, des mouvements, des lumières.
Dans la foule d’images qui composent Dragons, celles de la relique et de la cicatrice sont particulièrement prégnantes.
Les images chrétiennes, c’est fascinant. Là aussi, c’est dû à la fréquentation des textes et de la peinture médiévale. Dans les peintres que j’adore, il y a Bosch. Le premier truc auquel on pense en voyant Le Jardin des délices, c’est : qu’est-ce que ça veut dire toutes ces images ? Il y a mille grilles d’analyses possibles. Au début de La Fable mystique, Michel de Certaux écrit un superbe texte où il dit que toutes ces analyses ont été faites mais aucune n’est plus valide que les autres.
Ce qu’il y a de beau dans Bosch, c’est que ce sont les images qui vous regardent
On parle de réalisme magique nordiste à votre égard. N’est-ce pas une étiquette encombrante ?
C’est moi qui ai trouvé ce « concept »… C’est clair : je suis née à la frontière entre la France et la Belgique flamande. Quand j’étais petite, j’allais en vacances sur la côte belge, un bled qui s’appelle Coxyde où a vécu Delvaux, d’ailleurs il y a un musée. Chez moi, il y avait plein de bouquins de Delvaux, des peintures avec en même temps le jour et la nuit, des femmes à demi dévêtues sur des rails. À Ostende, il y avait Ensor et ses danses macabres. La Belgique est complètement imprégnée de quelque chose de morbide et en même temps d’extrêmement joyeux. C’est le pays des défilés. Tout cela n’est pas intellectualisé, ça fait partie de moi comme l’odeur des frites.

Dragons
Marie Depleschin
L’Olivier
309 pages, 20

Le bal des ardents Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°43 , mars 2003.
LMDA papier n°43
6,50 
LMDA PDF n°43
4,00