Sur ce gros livre, un bandeau rouge déclare : « La grande épopée mystique et érotique javanaise enfin retrouvée ». On attend donc une somme de littérature ethnique dans le genre du Roman de Gengi ou du Roman de Baïbars, la fraîcheur primitive des sagas, du cycle des barons révoltés ou du Livre des morts. On ouvre un livre bien différent, relookage façon Reader’s Digest d’une œuvre de 200 000 vers, 4 000 pages, 12 volumes, par une Française résidant à Java, et où l’on cherche en vain le souffle originel sous la transcription fade. Le Livre de Centhini est-il vraiment ce mélange vivant et tonifiant de mysticisme musulman sur fond de science hindou-bouddhique, cette fuite initiatique de deux princes et d’une princesse parcourant dans un même élan l’archipel et le savoir encyclopédique javanais ? Une traduction suffit souvent à tuer un texte ; une réécriture décompose le cadavre. Mieux vaudra attendre une traduction française intégrale, car la « grande épopée mystique », derrière le double voile d’exotisme et de familiarité, apparaît bien pâlotte, peu attrayante et difficile à suivre. Les amateurs de grives mangeront ce merle, s’ils ont trop faim.
Les Chants de l’Île à dormir debout
(le livre de Centhini)
Élisabeth D. Inandiak
Le Relié - 473 pages, 22 €
Domaine étranger Les Chants de l’Île à dormir debout
mars 2003 | Le Matricule des Anges n°43
| par
Ludovic Bablon
Un livre
Les Chants de l’Île à dormir debout
Par
Ludovic Bablon
Le Matricule des Anges n°43
, mars 2003.