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Théâtre Le cœur et la sociale

mai 2003 | Le Matricule des Anges n°44 | par Nycéphore Burladon

Ernst Toller (1893-1939) élabore un théâtre où la révolution politique ne se conçoit pas sans la transformation intérieure des individus. Une dénonciation farouche de la guerre.

Pièces écrites au pénitencier

Pièces écrites en exil

Né en Prusse orientale en 1893, Ernst Toller fut l’une des figures de proue de l’expressionnisme politique. Engagé volontaire en 14, démobilisé à l’automne 1916, il milita dès 1917 pour la paix, et défendit un socialisme non autoritaire. Il participa à l’éphémère République des Conseils de Munich (avril 1919), en présida même pour un temps, contre son gré, le Conseil Central Provisoire, et fut, après sa chute, condamné à cinq ans de forteresse. C’est en détention qu’il écrivit ses six premiers drames politiques, dont L’Homme et la masse (1920) et Hinkemann (1922), ainsi que trois recueils de poèmes.
Dès ses débuts (La Conversion, 1918), le théâtre de Toller se caractérise par un messianisme politique et un idéalisme humaniste, dont Brecht se distancera nettement. En son centre se trouve posée la question de la légitimité de la violence politique. C’est elle que dramatise L’Homme et la masse, pièce en sept tableaux, alternativement réels et oniriques, où par l’intermédiaire de deux personnages quasiment abstraits (« La femme » et « L’homme sans nom »), s’affrontent l’utopie de la non-violence et l’idéologie doctrinaire de la violence, dans une langue qui tend souvent à l’emphatique. Bien que tranchés en faveur d’une position proche du socialisme libertaire utopique, le conflit entre idéal et action, et le débat sur le rapport entre individu et masse dans la société future, s’inscrivent dans une vision pessimiste de l’Histoire. Hinkemann, le 4e drame de Toller, repose également sur cette tension entre « Principe Espérance » et lucidité du désespoir. C’est une véritable tragédie du désenchantement révolutionnaire. Hinkemann, que l’Histoire a émasculé par balle sur le champ de bataille, puis abandonné à un destin de sous-prolétaire sous la République, ne voit plus aucune possibilité d’accomplissement personnel, pas plus qu’il ne croit à la révolution et à la possibilité d’un monde meilleur : « Il y a des hommes auxquels aucun État, aucune société, aucune famille et aucune communauté ne peut apporter le bonheur. Là où vos remèdes ne servent plus à rien, notre détresse ne fait que commencer ». La souffrance individuelle ne peut être rédimée, et la pièce, qui oscille constamment entre allégorie et réalisme critique, se conclut sur le double suicide de Hinkemann et de sa femme… ne laissant d’espoir révolutionnaire qu’utopique.
Libéré le 15 juillet 1924, Toller poursuivit une intense carrière d’agitateur. De meetings en congrès, d’articles de presse en émissions de radio, il ne cessa pas de combattre l’ascension du nazisme et de prêcher pour une révolution de la société et des mentalités. Contraint à l’exil en 1933, Toller, dont les livres furent brûlés le 10 mai, partit pour Londres, puis New York, où il se suicida le 22 mai 1939.
C’est en exil que les pièces présentées dans le second volume, Plus jamais la paix ! (1936) et Pasteur Hall (1939), virent le jour. Elles ont toutes deux pour objet explicite la dictature hitlérienne, mais la traitent sous des formes antithétiques : la satire féerique, et le drame. Dans la 1ère, qui frise parfois la comédie musicale avec ses songs et son ambiance de conte, un pari s’engage dans le Ciel entre Napoléon et Saint François sur la nature profonde de l’homme. Réussissant à déclencher une guerre sur la terre, le cynisme de Napoléon semble d’abord l’emporter sur l’espoir messianique de Saint François. Mais c’est au final l’idéal de paix qui triomphe. Pasteur Hall, la dernière pièce de Toller, fait contraste à la tonalité burlesque de la précédente. Elle renoue avec le drame de conversion en mettant en scène la lutte d’un pasteur contre le régime nazi et sa conviction en la puissance de l’esprit : « Ils vont te tuer !/ Je vivrai malgré cela. Ce sera comme un feu, aucun pouvoir ne l’éteindra… ils trouveront la force de suivre mon exemple ». L’idéalisme expressionniste semble intact dans cette pièce, qui pour sacrifier parfois la clarté de l’analyse à l’effet pathétique, ne paraît pas douter de la victoire finale de la raison sensible sur la barbarie.
On ne saurait trop conseiller, en ces temps troublés par l’esprit guerrier, de lire le théâtre de Toller pour son appel au pacifisme et à la transformation nécessaire de l’humanité.

Ernst Toller
PiÈces écrites au pénitencier
et PiÈces écrites en exil
Traduits de l’allemand par H. et R. Radrizzani
Comp’act - 208 pages, 20 chacun

Le cœur et la sociale Par Nycéphore Burladon
Le Matricule des Anges n°44 , mai 2003.