Lauréat du prix Renaudot en 1967 pour son roman Le Monde tel qu’il est, Salvat Etchart est très peu connu du grand public. Rezvani, qui préface ce recueil, le compare pourtant à Artaud. Ces sept nouvelles, premières publications de l’auteur, se déroulent en Martinique, où Etchart, ancien acteur de la troupe Renaud-Barrault, a été un pionnier de la R.T.F. dans les années cinquante. Ses prises de position trop indépendantistes l’ont cependant contraint à quitter l’île. De retour en France, il commence à écrire, habité par ses souvenirs.
Il imite le parler créole, exhibe les mœurs sexuelles des insulaires en scènes truculentes et corsées comme le rhum. L’écriture est cadencée, balancée, galopante. Les verbes et les adjectifs tombent en cascade pour dessiner les contours de ses personnages et paysages : « La route monte », écrit-il dans la première nouvelle, « biaise, descend, revient sur ses pas, flâne de case en case, d’arbre en arbre, de pente en éboulis, d’éboulis en grimpette, bordée de savanes, de champs de canne et de bananeraies ». Le rythme est maintenu par des dialogues piqués d’exclamations, de gros mots. Les femmes en prennent pour leur grade. Elles sentent « la goyave moisie », ressemblent à des « troupeaux à cul ». L’une a les fesses « tellement projetées en arrière qu’on aurait pu y mettre à l’ombre un pique-nique ». Mais comme l’explique Serge Rezvani, Etchart est « un dur de dur (…) mais tendre, très tendre ! »
Rompant avec le premier éditeur de l’ouvrage, René Julliard, qui, en 1962, lui avait choisi comme titre celui de la nouvelle « Une bonne à six », le collectif lyonnais La Mauvaise Graine a opté pour En couple. Cette description de la relation physique et spirituelle entre un cavalier et son cheval est plus emblématique de la misanthropie d’Etchart. Après la rédaction de ces nouvelles, il se retira en effet comme palefrenier en Martinique, puis dans le Nord canadien, avant de se suicider en 1975.
Un couple
Salvat Etchart
La Mauvaise Graine
(18, route de Genas 69003 Lyon)
140 pages, 11 €
Domaine français Cascades antillaises
juillet 2003 | Le Matricule des Anges n°45
| par
Emmanuelle Bal
Un livre
Cascades antillaises
Par
Emmanuelle Bal
Le Matricule des Anges n°45
, juillet 2003.