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Domaine français Matière organique

octobre 2003 | Le Matricule des Anges n°47 | par Benoît Broyart

Gaëlle Obiégly s’attache à recueillir la pulpe même de la vie d’une femme. Un livre à nu, poétique et essentiel.

Certains romans sont si intimes, parfois. On sait qu’on aura des difficultés à s’y faire une place de lecteur. On décide tout de même d’y pénétrer, en prêtant une attention particulière à chaque phrase au début, comme s’il s’agissait de poésie. Tout cela parce que pour rien au monde, on accepterait de rester en carafe à la surface, sans parvenir à entrer au centre d’un univers si singulier. On ne regrette pas d’entrer sur la pointe des pieds dans Gens de Beauce.
Le troisième texte de Gaëlle Obiégly raconte la vie de Jeanne M. « née en 1950 dans une petite ville des environs de Paris » et propose au lecteur, pour rester au plus près de la réalité, une temporalité chaotique ou presque, en tout cas assez proche, semble-t-il, de ce qu’on peut connaître du fonctionnement de la mémoire. Enfance, âge adulte, drames et expériences diverses, des épisodes de toutes natures sont reliés entre eux par un seul fil, nourri à la substance explosive de la vie. On ne sait jamais trop où l’écrivain va nous mener et cette incertitude rend la lecture foudroyante.
C’est donc d’abord sa structure éclatée qui fait de ce roman un texte poignant, même si au fil du récit, cette tessiture si proche du corps de Jeanne, on pourrait dire presque organique, marque peut-être quelques signes de faiblesse. La tension était trop forte pour tenir tout au long du roman.
Qu’importe, en tout cas on reste très impressionné par la capacité que possède l’auteur à donner parfois de grands coups de pieds dans la narration, à faire défiler une vie en accéléré. Et quelques lignes y suffisent : « Jeanne M. née le 3 décembre 1950, petite fille silencieuse, timide, grands yeux verts, cheveux châtains, bonne élève frustrée par la modestie de ses parents qui plutôt que professeur de français la voulait secrétaire, elle s’incline, on décide pour elle, c’était comme ça à l’époque, dit-elle, et puis mariée à un Slave buveur, chroniquement ivre et désespéré… »
La langue de Gaëlle Obiégly est une peu âpre, surtout imprégnée d’enfance, donc en partie gorgée de mots interdits et de peurs. Et les phrases sont parfois si difficiles à mettre sur le papier que certains mots disparaissent, comme si le processus de l’écriture les avait avalés. Le débit devient haché et le texte gagne en crudité : « André. Feu de plancher, habits étriqués, il a grandi d’un coup, André, et assis en tailleur, bras croisés sur la nuque, exhibe sa braguette bosselée. Une sorte de poing ; ça fascine Jeanne M. Elle regarde, imagine une bête humide, légère et abondante, un animal nourrisson à lécher. »
Gens de Beauce véhicule une puissance poétique assez rare, telle qu’on prend parfois tout en pleine face, finalement un peu comme dans les meilleurs romans de Sylvie Germain (Le Livre des nuits, pour n’en citer qu’un), même si les univers des deux écrivains présentent peu de similitudes. Ils transportent pourtant le même genre de sincérité, cette tentative désespérée de mettre à nu qui bouleverse.
En trois livres et trois ans, Gaëlle Obiégly (lire Lmda N°38) aura rapidement imposé les modulations d’une voix peu commune et très attachante, avec d’autant plus de réussite que la jeune femme, pour le moment, n’a posé aucune borne dans son monde. Les trois livres publiés ne se ressemblent pas. Ils ne jouent pas la même musique. Celle de Gens de Beauce est, sans doute, la plus douloureuse des trois : « Regarder les gens à leur insu, c’est exactement comme observer les animaux. »

Gens de Beauce
Gaëlle Obiégly
L’Arpenteur
198 pages, 12,50

Matière organique Par Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°47 , octobre 2003.