Première traduction française pour cette jeune auteur italienne, Destroy pourrait être, avec des qualités d’écriture en moins, une version ultramoderne du On the road de Kerouac : la route américaine s’y trouve réduite au métro londonien, des substances chimiques ont remplacé le bon vieux joint, et les Smashing Pumpkins ou Massive Attack la frénésie du be-bop.
Écrit dans une langue bourrée d’anglicismes et de marques vestimentaires, Destroy progresse de restaurants en bars homo, fait escale dans des appartements où survivent de furieux frappadingues, tel ce jeune homme qui détruit son domicile à coups de batte de base-ball sur un tube de Bowie, ou ces femmes qui se souhaitent sans âge et qui s’abandonnent à leurs séances d’onanisme sur du trip-hop. Composé de vingt-trois brefs chapitres, ponctué d’intermèdes souvent intitulés Fuck off destroy, ce récit présente un monde déjanté, qui hésite entre le crado-grunge et le look tendance à la Issey Miyake, et où certaines conversations téléphoniques commencent à 27h30 précises. Mais à 27h30 les pensées virent à l’aigreur : « il y a ici tellement de silence que je voudrais hurler assez fort pour réveiller tout le monde » (elle) ; « Je voudrais simplement disparaître, boire une Guinness et m’évanouir dans le néant » (lui).
Destroy ne respire pas la joie de vivre : dans ce Londres en perdition, l’ennui reste une valeur partagée. On est loin de la franche hilarité des comparses de Sur la route, mais la souffrance est sans doute la même.
Destroy de Isabella Santacroce
Traduit de l’italien par Margherita Vecciarelli Al Dante/Léo Scheer, 160 pages, 16 €
Poésie No future
novembre 2003 | Le Matricule des Anges n°48
| par
Didier Garcia
Un livre
No future
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°48
, novembre 2003.