La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Zoom Textes et destin

novembre 2003 | Le Matricule des Anges n°48 | par Eric Naulleau

Parallèlement à son travail avec l’illustrateur François Roca, l’auteur et dessinateur Fred Bernard s’est frayé un chemin plus personnel. Par à-coups mais jusqu’au bout.

L’idéal serait un générique dans le genre d’Amicalement vôtre, tons sépias et musique de John Barry. Lignes de vie parallèles de Fred Bernard et François Roca, l’un né à Beaune en 1969 (et plausible Dany Wilde), l’autre né à Lyon en 1971 (et convaincant Brett Sinclair). Leurs trajectoires finissent par se croiser en 1990 lorsque tous deux entreprennent des études d’illustration à l’école Émile-Cohl, sise dans la capitale des Gaules. C’est le début d’une collaboration aussi fructueuse que celle du couple anglo-américain qui fait les beaux après-midis de la télévision française depuis un quart de siècle. La Reine des fourmis a disparu, Le Secret des nuages, Le Train jaune, Ushi, Jeanne et le Mokélé, Jésus Betz révèlent l’extraordinaire graphisme de François Roca, évocateur de Edward Hopper et de certains maîtres flamands (« Quand il a ouvert son book à Paris, se souvient son complice, les types ont dit : « Celui-là, il faut tout de suite lui donner du boulot ! » »), et les talents d’écriture de Fred Bernard qui mène la littérature jeunesse vers des horizons encore inexplorés sous influence revendiquée du Freaks de Tod Browning, Jésus Betz narre les très improbables heurs et malheurs d’un homme-tronc, tandis que L’Homme-Bonsaï combine une trame à la Stevenson avec la soudaine apparition d’un arbre sur le crâne du matelot Amédée. Le tout dans des formats inhabituels, plutôt difficiles à caser sur les étagères des libraires. Ce grand art du rebrousse-poil n’empêche pas nos compères d’accumuler une impressionnante quantité de récompenses ils parviennent même à rafler deux fois en l’espace de six années le Prix Alphonse-Daudet, c’est-à-dire le Goncourt Jeunesse.
Voilà qui ne devrait pas faire oublier que Fred Bernard est sorti deuxième de sa promotion à Émile-Cohl, derrière un certain… François Roca. Auteur des textes et des dessins d’un petit bijou intitulé Mon ami crocodile (Albin Michel), parfait bréviaire des angoisses enfantines, il a également illustré L’Arche de Nino (Seuil, 2000) CD-livre de son ami Nino Ferrer, suicidé deux ans plus tôt. Mais c’est très récemment que l’auteur complet de Des souris et des loups (Grandir) semble avoir brisé l’armure. D’abord avec un récit de voyage au Bénin ponctué de croquis pris sur le vif : Au bout, Parakou, transposition dans la réalité des souvenirs d’expéditions imaginaires de son enfance lorsque le petit Frédéric, qui ne s’appelait pas encore Fred, dévorait les ouvrages sur la faune et la flore des autres continents, superposait les paysages des Îles de la Sonde, du Kenya ou du Pérou à ceux de sa Bourgogne natale : « Je retiens mon souffle. Je n’en crois pas mes sens. Ces animaux, je les ai vus mille fois dans les magazines, les films et les zoos. Je sais à quoi ils ressemblent, je connais leurs cris, leur alimentation, leurs mœurs. Mais fouler leur terre, respirer leur air, caresser leur végétation, se faire piquer par les mêmes moustiques, les mêmes mouches, ressentir la même chaleur qu’eux, les mêmes odeurs, être ébloui par le même soleil, c’est ressentir le pays tout entier et cette force incroyable qui s’en dégage. Je suis ici chez eux. »
Plus insolite, la parution simultanée au Seuil d’une bande dessinée : La Tendresse des crocodiles dont un avertissement précise que « Cette histoire a déjà paru en 2001 sous la forme d’un album, illustré par François Roca, sous le titre Jeanne et le Mokélé. « Quelques explications s’imposent : » Jeanne et le Mokélé était d’abord une nouvelle qui n’a en définitive pas pu servir pour l’album. J’en ai fait deux autres versions, dont l’une a finalement paru. On m’a ensuite proposé de développer la nouvelle originale pour en faire un roman ado. J’ai réfléchi et puis je me suis dit que je n’aimais pas les romans ado. » L’idée de faire une BD qui lui trottait depuis longtemps dans la tête, un premier voyage en Afrique dont il rapporte quatre planches et la carte blanche donnée par Jacques Binsztok et Brigitte Morel au Seuil, tous éléments décisifs arrosés d’une généreuse dose d’enthousiasme, et Fred Bernard passe directement de quelques anciennes et timides tentatives dans des fanzines à 170 planches d’un coup. Deux nouveaux tomes sont à suivre (« J’ai envie de continuer, j’adore les personnages ») pour ce retour au roman graphique ou les aventures de Jeanne Picquigny qui largue un beau matin de 1921 les amarres, un futur mari et des enfants virtuels, cap sur l’Afrique et sa destinée. Une fois la dernière page tournée, on se dit que l’auteur-dessinateur ne doit pas détester Hugo Pratt et son Corto Maltese. Quête du père chez Jeanne Picquigny, quête des pairs chez Fred Bernard qui avoue son admiration pour Hemingway, London, Stevenson, Melville ou Conrad, « des vrais bourlingueurs ceux-là. J’aime leur vision de l’homme mais aussi leur amour de la nature. »
De fait, jamais son écriture n’a semblé plus maîtrisée, plus épanouie que dans L’Homme-Bonsaï (« C’est parce que les éditeurs me laissent aujourd’hui les coudées franches. Jésus Betz est passé par là ! »), troisième actualité d’un exceptionnel cru 2003. Le passage à la fiction pure, roman ou nouvelle, ne saurait tarder, on le devine. « Déjà, au Seuil, on me demande « Alors quand est-ce que ? » » Oui, précisément, quand est-ce que ? « J’ai quelques idées, mais je suis d’une patience de reptile quand quelque chose me tient à cœur. »

Fred Bernard
Au bout, Parakou
Seuil
120 pages, 19
La Tendresse
des crocodiles

Seuil
176 pages, 16
L’Homme-Bonsaï
Fred Bernard
et François Roca
Albin Michel Jeunesse
38 pages, 14, 90

Textes et destin Par Eric Naulleau
Le Matricule des Anges n°48 , novembre 2003.