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Zoom « Écrire à côté de mes lacets »

juillet 2024 | Le Matricule des Anges n°255 | par Flora Moricet

Une compilation colossale de textes et d’entretiens de Chantal Akerman donne accès à l’antichambre d’une cinéaste infiniment libre qui plaçait l’écrit et la parole à l’origine de son œuvre.

Oeuvre écrite et parlée 1968-2015

Coffret en 3 volumes
Editions Arachnéen

Il y a deux ans, son long-métrage Jeanne Dielman, 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles était élu « meilleur film de tous les temps » par la revue britannique Sight and Sound. Chantal Akerman est l’autrice d’une œuvre cinématographique et artistique prolifique (plus d’une trentaine de films de fiction, de documentaires, de vidéos expérimentales, une dizaine d’installations artistiques et quatre publications). On l’avait découverte écrivaine, grâce aux rééditions de L’Arche et de L’Imaginaire, on la connaissait beaucoup moins diariste. L’Arachnéen dévoile une somme monumentale de toutes les paroles et écrits de la cinéaste belge, décédée en 2015. Que ce soit pour ses notes d’intention, textes préparatoires, scénarios ou récits, Chantal Akerman note à peu près « tout ce qui lui passe par la tête », comme s’il fallait inventorier chaque pensée, « écrire vite, avant que ça parte ailleurs ». Délestée d’un lourd appareil critique, Œuvre écrite et parlée présente ces précieux documents et interviews (Godard, Lebovici…) sur un même plan, sans hiérarchie particulière, à l’état brut et diamanté. 
« Enfant qui n’a pas le droit d’exploser », l’autrice de Ma mère rit et d’Une famille à Bruxelles est fille d’une rescapée de la Shoah dont la famille entière a été assassinée. Une béance à partir de laquelle Akerman accumule des mots, tourne et ressasse : « ce bruit qui couvre tout le reste. C’est sans doute pour ça, ces films sur un quotidien silencieux, pour arracher à ce silence un peu de vérité. De vérité réinventée. » Dans son texte le plus autobiographique, « Le frigidaire est vide on peut le remplir » qui revient sur son parcours, elle convoque ce qu’elle appelle sa « scène primitive » : «  c’est, loin derrière ou toujours devant, de vieilles images à peine recouvertes par d’autres plus lumineuses et même radieuses. De vieilles images d’évacuation, de marches dans la neige avec des paquets vers un lieu inconnu, des visages et des corps placés l’un à côté de l’autre, des visages qui vacillent entre la vie forte et la possibilité d’une mort qui viendrait les frapper sans qu’ils n’aient rien demandé (…). C’est obsédant et ça m’obsède »
La trame de l’écriture d’Akerman est musicale et ressemble à une comptine triste et burlesque à la fois, qui tiendrait à ce que la parole, ce flux de parole, soit toujours une mise en mouvement, sans jamais tourner à vide. Mais l’écriture comme seule mode d’expression l’affolait : « La peur de rester chez soi et de se perdre. Je savais qu’en écrivant des films, je sortirais de ma chambre. » Au fil des nombreuses pages, une manière de travailler se fait jour, celle de laisser venir, de ne rien faire aussi, de faire passer le temps, de le subir jusqu’à en reproduire l’expérience. « Pour faire du cinéma, faut se lever. Je me lève. Pour faire du cinéma, faut s’habiller. Je m’habille. Pour faire du cinéma, faut être debout. Je suis debout  », pour celle qui souffrait de crises de bipolarité, l’héroïsme consiste souvent dans l’acte de se lever, d’aller acheter du pain… l’héroïsme, c’est le quotidien, tel qu’elle l’écrit dans « Narration Israël », le texte préparatoire au film Là-bas. Tenir debout donc, comme on tient un journal ou une caméra.
On retiendra aussi ses répliques, ses manières de sauter d’une idée à une autre comme d’une ville à l’autre. Lorsqu’un journaliste lui fait remarquer qu’elle répond toujours non aux questions, elle rétorque que c’est simplement pour « ouvrir », pour déployer des pensées multiples et ne jamais rester cantonnée à la binarité : « c’est toujours ça, ou ça. J’aimerais tant que cela soit, et ça, et ça, et ça. Enfin, tout ça pour dire que je suis quelqu’un de divisé, ou de tiraillé en au moins trois, cinq, ou sept. Et mon parcours est fait de toutes ces divisions, ces tensions, ça tiraille dans tous les sens. Et puis aussi que je sais marcher à côté de mes lacets. (…) D’ailleurs je ne voulais pas faire de cinéma dans ma première adolescence. Je voulais écrire à côté de mes lacets. » 

Flora Moricet

Œuvre écrite et parlée,
de Chantal Akerman
Édition établie par Cyril Béghin
L’Arachnéen, 3 volumes, 1584 pages, 250 images, 69

« Écrire à côté de mes lacets » Par Flora Moricet
Le Matricule des Anges n°255 , juillet 2024.
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